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Le concept de vérité », compris comme dépendant de faits qui dépassent largement le contrôle humain, a été l’une des voies par lesquelles la philosophie a, jusqu’ici, inculqué la dose nécessaire d’ prestige de la science a longtemps tenu au fait qu’on lui conférait le pouvoir symbolique de proposer un point de vue surplombant sur le monde assise sur un refuge neutre et haut-placé, sûre d’elle-même, elle semblait se déployer à la fois au cœur du réel, tout près de la vérité et hors de l’humain. Cette image est aujourd’hui dépassée. Nous avons compris que la science n’est pas un nuage lévitant calmement au-dessus de nos têtes elle pleut littéralement sur nous. Ses mille et une retombées pratiques, qui vont de l’informatique à la bombe atomique en passant par les vaccins, les OGM et les lasers, sont diversement connotées et diversement appréciées ici, ce que la science permet de faire rassure ; là , ce qu’elle annonce angoisse. Tout se passe comme si ses discours, ses réalisations et ses avancées devaient constamment être interrogés, systématiquement mis en ballotage. 2Certes, cette situation n’est pas vraiment nouvelle ni spécialement postmoderne » à bien regarder en arrière, on constate que chaque fois que la science nous a permis d’agir librement sur des aspects de la réalité qui s’imposaient jusqu’alors à nous comme un destin, l’angoisse de commettre un sacrilège et la peur de sortir des contours de notre nature se sont exprimées de manière spectaculaire ainsi quand Galilée ouvrait à l’intelligibilité d’un univers où les mêmes lois valaient sur la terre comme au ciel ; ou quand Darwin inscrivit l’homme dans la chaîne de l’évolution des espèces ; a fortiori quand, aujourd’hui, le génie génétique, la procréation médicalement assistée, les nanotechnologies ou la biologie synthétique nous permettent d’obtenir de la vie biologique des effets dont elle paraissait incapable. 3Reste que la puissance de dévoilement de la science et l’impact des techno-sciences sur les modes de vie provoquent désormais des réactions de résistance qui semblent de plus en plus fortes, qu’elles soient d’ordre culturel, social ou idéologique ces réactions peuvent être le désir de réaffirmer son autonomie face à un processus qui semble nous échapper ; ou bien l’envie de défendre des idéaux alternatifs contre la menace d’un modèle unique de compréhension ou de développement ; ou bien encore la volonté de rendre sa pertinence au débat démocratique quand la complexité des problèmes tend à le confisquer au profit des seuls et société un rapport ambivalent4Notre rapport à la science est à l’évidence devenu ambivalent. Cela peut se voir sous forme condensée en mettant l’une en face de l’autre les deux réalités suivantes d’une part, la science nous semble constituer, en tant qu’idéalité c’est-à -dire en tant que démarche de connaissance d’un type très particulier qui permet d’accéder à des connaissances qu’aucune autre démarche ne peut produire, le fondement officiel de notre société, censé remplacer l’ancien socle religieux nous ne sommes certes pas gouvernés par la science elle-même, mais au nom de quelque chose qui a à voir avec elle. C’est ainsi que dans toutes les sphères de notre vie, nous nous trouvons désormais soumis à une multitude d’évaluations, lesquelles ne sont pas prononcées par des prédicateurs religieux ou des idéologues illuminés elles se présentent désormais comme de simples jugements d’ experts », c’est-à -dire qu’elles sont censées être effectuées au nom de savoirs et de compétences de type scientifique, et donc, à ce titre, impartiaux et objectifs. Par exemple, sur nos paquets de cigarettes, il n’est pas écrit que fumer déplaît à Dieu ou compromet le salut de notre âme, mais que fumer tue ». Un discours scientifique, portant sur la santé du corps, a pris la place d’un discours théologique qui, en l’occurrence, aurait plutôt porté sur le salut de l’âme. 5Mais d’autre part – et c’est ce qui fait toute l’ambiguïté de l’affaire –, la science, dans sa réalité pratique, est questionnée comme jamais, contestée, remise en cause, voire marginalisée. Elle est à la fois objet de désaffection de la part des étudiants les jeunes, dans presque tous les pays développés, se destinent de moins en moins aux études scientifiques, de méconnaissance effective dans la société nous devons bien reconnaître que collectivement, nous ne savons pas trop bien ce qu’est la radioactivité, en quoi consiste un OGM, ce que sont et où se trouvent les quarks, ce qu’implique la théorie de la relativité et ce que dirait l’équation E = mc2 si elle pouvait parler, et, enfin et surtout, elle subit toutes sortes d’attaques, d’ordre philosophique ou politique. 6La plus importante de ces attaques me semble être le relativisme radical » cette école philosophique ou sociologique défend l’idée que la science a pris le pouvoir non parce qu’elle aurait un lien privilégié avec le vrai », mais en usant et abusant d’arguments d’autorité. En somme, il ne faudrait pas croire à la science plus qu’à n’importe quelle autre démarche de connaissance. Monsieur, personnellement, je ne suis pas d’accord avec Einstein… »7Une anecdote m’a permis de prendre conscience de cette évolution. Récemment, j’ai eu l’occasion de donner un cours de relativité et non de relativisme… à de futurs ingénieurs. Alors que je venais d’effectuer un calcul montrant que la durée d’un phénomène dépend de la vitesse de l’observateur, un étudiant prit la parole Monsieur, personnellement, je ne suis pas d’accord avec Einstein ! » J’imaginai qu’il allait défendre une théorie alternative, ou bien réinventer l’éther luminifère, en tout cas qu’il allait argumenter. Mais il se contenta de dire Je ne crois pas à cette relativité des durées que vous venez de démontrer, parce que je ne la… sens pas ! » Là , j’avoue, j’ai éprouvé une sorte de choc ce jeune homme qui n’avait certainement pas lu Einstein avait suffisamment confiance dans son ressenti » personnel pour s’autoriser à contester un résultat qu’un siècle d’expériences innombrables avait cautionné. Je découvris à cette occasion que lorsqu’elle se transforme en alliée objective du narcissisme, la subjectivité semble avoir du mal à s’incliner devant ce qui a été objectivé si ce qui a été objectivé la dérange ou lui déplaît. 8On ne saurait donner à cette anecdote une portée générale, mais elle me semble tout de même indicatrice d’un changement de climat culturel qui explique au passage la facilité déconcertante avec laquelle a pu se développer en France la vraie-fausse controverse sur le changement climatique. Aujourd’hui, notre société semble en effet parcourue par deux courants de pensée apparemment contradictoires. D’une part, on y trouve un attachement intense à la véracité, un souci de ne pas se laisser tromper, une détermination à crever les apparences pour atteindre les motivations réelles qui se cachent derrière, bref une attitude de défiance généralisée. Mais à côté de ce désir de véracité, de ce refus d’être dupe, il existe une défiance tout aussi grande à l’égard de la vérité elle-même la vérité existe-t-elle ?, se demande-t-on. Si oui, peut-elle être autrement que relative, subjective, culturelle ? Ce qui est troublant, c’est que ces deux attitudes, l’attachement à la véracité et la suspicion à l’égard de la vérité, qui devraient s’exclure mutuellement, se révèlent en pratique parfaitement compatibles. Elles sont même mécaniquement liées, puisque le désir de véracité suffit à enclencher au sein de la société un processus critique qui vient ensuite fragiliser l’assurance qu’il y aurait des vérités sûres [1]. 9Le fait que l’exigence de véracité et le déni de vérité aillent de pair ne veut toutefois pas dire que ces deux attitudes fassent bon ménage. Car si vous ne croyez pas à l’existence de la vérité, quelle cause votre désir de véracité servira-t-il ? Ou – pour le dire autrement – en recherchant la véracité, à quelle vérité êtes-vous censé être fidèle ? Il ne s’agit pas là d’une difficulté seulement abstraite ni simplement d’un paradoxe cette situation entraîne des conséquences concrètes dans la cité réelle et vient nous avertir qu’il y a un risque que certaines de nos activités intellectuelles en viennent à se désintégrer. 10Grâce à la sympathie intellectuelle quasi spontanée dont elles bénéficient, les doctrines relativistes contribuent à une forme d’illettrisme scientifique d’autant plus pernicieuse que celle-ci avance inconsciente d’elle-même. Au demeurant, pourquoi ces doctrines séduisent-elles tant ? Sans doute parce que, interprétées comme une remise en cause des prétentions de la science, un antidote à l’arrogance des scientifiques, elles semblent nourrir un soupçon qui se généralise, celui de l’imposture Finalement, en science comme ailleurs tout est relatif. » Ce soupçon légitime une forme de désinvolture intellectuelle, de paresse systématique, et procure même une sorte de soulagement dès lors que la science produit des discours qui n’auraient pas plus de véracité que les autres, pourquoi faudrait-il s’échiner à vouloir les comprendre, à se les approprier ? Il fait beau n’a-t-on pas mieux à faire qu’apprendre sérieusement la physique, la biologie ou les statistiques ? 11En 1905, Henri Poincaré publiait un livre intitulé La valeur de la science. Un siècle plus tard, cette valeur de la science semble de plus en plus contestée, non pas seulement par les philosophes d’inspiration subjectiviste ou spiritualiste, toujours prompts à exploiter ce qui ressemble de près ou de loin à une crise » de la science, mais aussi par une partie de l’opinion. Dans cette méfiance à l’égard du mode de pensée scientifique, peut-être faut-il lire une sorte de pusillanimité à l’égard de la vérité et de ses conséquences. On se souvient de ce que Musil disait d’Ulrich, le personnage principal de L’Homme sans qualités, dont on devine qu’il aurait sans doute jeté un regard sévère sur nos façons de penser Pendant des années, Ulrich avait aimé la privation spirituelle. Il haïssait les hommes incapables, selon le mot de Nietzsche, “de souffrir la faim de l’âme par amour de la vérité” ; ceux qui ne vont pas jusqu’au bout, les timides, les douillets, ceux qui consolent leur âme avec des radotages sur l’âme et la nourrissent, sous prétexte que l’intelligence lui donne des pierres au lieu de lui donner du pain, de sentiments qui ressemblent à des petits pains trempés dans du lait. [2] »La science dit-elle le vrai » ?12Engagés dans une altercation séculaire, le doute et la certitude forment un couple turbulent mais inséparable, dont les aventures taraudent la réflexion européenne depuis ses débuts le partage entre ce que l’on sait et ce que l’on croit savoir n’a pas cessé de hanter les philosophes, et, de Socrate à Wittgenstein en passant par Pyrrhon et Descartes, les critères du vrai n’ont cessé d’être auscultés et discutés. Ce qui est certain, est-ce ce qui a résisté à tous les doutes ? Ou bien est-ce ce dont on ne peut pas imaginer de douter ? La vérité plane-t-elle au-dessus du monde ou est-elle déposée dans les choses et dans les faits ? Peut-on faire confiance à la science pour aller l’y chercher ? 13Ces questions constituent d’inusables sujets de dissertation, ce qui ne les empêche d’avoir une brûlante actualité l’air du temps accuse désormais la science d’être un récit parmi d’autres et l’invite à davantage de modestie, parfois même à rentrer dans le rang ». 14Mais dans le même temps et c’est ce qui éclaire d’une autre manière l’ambivalence de la situation, les discours scientifiques aux accents triomphalistes prolifèrent une certaine biologie prétend bientôt nous dire de façon intégrale et définitive ce qu’il en est vraiment de la vie ; et régulièrement, des physiciens théoriciens aux allures de cadre supérieur de chez Méphistophélès affirment qu’ils sont en passe de découvrir la Théorie du Tout » qui permettra une description à la fois exacte et totalisante de ce qui est. Le physicien américain Brian Greene, par exemple, déclare attendre de la théorie des supercordes, actuellement à l’ébauche, qu’elle dévoile le mystère des vérités les plus fondamentales de notre Univers [3] ». Quant à Stephen Hawking, il concluait l’un de ses livres par ces mots incroyables Si nous parvenons vraiment à découvrir une théorie unificatrice, elle devrait avec le temps être compréhensible par tout le monde dans ses grands principes, pas seulement par une poignée de savants. Philosophes, scientifiques et personnes ordinaires, tous seront capables de prendre part à la discussion sur le pourquoi de notre existence et de notre univers. Et si nous trouvions un jour la réponse, ce sera le triomphe de la raison humaine, qui nous permettrait alors de connaître la pensée de Dieu. [4] » La pensée de Dieu ? Bigre ! Comme s’il allait de soi que Dieu pense », et qu’une équation pourrait nous dire ce qu’Il pense… 15Aujourd’hui, s’agissant de sa capacité à saisir la vérité des choses, la science se trouve manifestement tiraillée entre l’excès de modestie et l’excès d’enthousiasme. 16La vérité, un idéal régulateur ». – Einstein expliquait sa motivation inoxydable par son besoin irrésistible de s’évader hors de la vie quotidienne, de sa douloureuse grossièreté et de sa désolante monotonie [5] », et d’espérer ainsi découvrir des vérités scientifiques ». Détourner les chercheurs de cet idéal régulateur, de cette force motrice, reviendrait à détendre les ressorts de leur engagement, de leur volonté, de leur motivation. Pour espérer avancer, ils doivent impérativement croire sinon à l’accessibilité de la vérité, du moins à la possibilité de démasquer les contre-vérités. Et sans doute doivent-ils aussi adhérer implicitement à une conception modérément optimiste, selon laquelle la vérité, dès lors qu’elle est dévoilée, peut-être reconnue comme telle ; et, si elle ne se révèle pas d’elle-même, croire qu’il suffit d’appliquer la méthode scientifique pour finir par s’en approcher, voire la découvrir personne ne veut passer sa vie à effectuer un travail à la Sisyphe. 17Pareille attitude, assez répandue, ne signifie nullement que les chercheurs puissent trouver la vérité, mais au moins qu’ils la cherchent. Et s’ils la cherchent, c’est qu’ils ne l’ont pas encore trouvée. D’où leurs airs tantôt arrogants parce qu’à force de chercher, ils obtiennent des résultats, font des découvertes, accroissent leurs connaissances, tantôt humbles parce que, du fait qu’ils continuent de chercher, ils ne peuvent jamais prétendre avoir bouclé leur affaire. Dans son élan même, l’activité scientifique a donc partie liée avec l’idée de vérité c’est bien elle qu’elle vise plutôt que l’erreur. Pour autant, le lien science-vérité est-il exclusif ? La science a-t-elle le monopole absolu du vrai » ? Serait-elle la seule activité humaine qui soit indépendante de nos affects, de notre culture, de nos grands partis pris fondateurs, du caractère contextuel de nos systèmes de pensée ? Tel semble être le grand débat d’aujourd’hui. 18Quelques-unes des thèses en présence. – Certains soutiennent qu’il n’y a pas d’autre saisie objective du monde que la conception scientifique le monde ne serait rien de plus que ce que la science en dit ; avec leur symbolisme purifié des scories des langues historiques, les énoncés scientifiques décrivent le réel ; les autres énoncés, qu’ils soient métaphysiques, théologiques ou poétiques, ne font qu’exprimer des émotions ; bien sûr, cela est parfaitement légitime, et même nécessaire, mais il ne faut pas confondre les ordres. 19Aux antipodes de cette conception positiviste, d’autres considèrent que la vérité est surtout un mot creux, une pure convention. Elle ne saurait donc être considérée comme une norme de l’enquête scientifique, et encore moins comme le but ultime des recherches. Certains sociologues des sciences ont ainsi pu prétendre que les théories scientifiques tenues pour vraies » ou fausses » ne l’étaient pas en raison de leur adéquation ou inadéquation avec des données expérimentales, mais seulement en vertu d’intérêts purement sociologiques [6]… En clair, il faudrait considérer que toutes nos connaissances sont conventionnelles et artificielles, donc gommer l’idée qu’elles pourraient avoir le moindre lien avec la réalité. 20Ces auteurs dénoncent également l’idéologie de l’objectivité scientifique, arguant que les chercheurs sont des gens partisans, intéressés, et que leurs jugements sont affectés par leur condition sociale, leurs ambitions ou leurs croyances. Selon eux, l’objectivité de la science devrait nécessairement impliquer l’impartialité individuelle des scientifiques eux-mêmes elle serait une sorte de point de vue de nulle part, situé au-dessus des passions, des intuitions et des préjugés. Or, avancent-ils, la plupart du temps, les chercheurs ne sont pas impartiaux. Par exemple, ils ne montrent guère d’empressement à mettre en avant les faiblesses de leurs théories ou de leurs raisonnements. L’esprit scientifique, au sens idéal du terme, serait donc introuvable, et la prétendue objectivité de la science ne serait que la couverture idéologique de rapports de forces dans lesquels la nature n’a pas vraiment son mot à dire. Tout serait créé, et en définitive, la physique en dirait moins sur la nature que sur les physiciens. 21La meilleure parade contre ce genre de raisonnements consiste sans doute à faire remarquer que si l’objectivité de la science était entièrement fondée sur l’impartialité ou l’objectivité de chaque scientifique, nous devrions lui dire adieu. Nous vivons tous dans un océan de préjugés et les scientifiques n’échappent pas à la règle. S’ils parviennent à se défaire de certains préjugés dans leur domaine de compétence, ce n’est donc pas en se purifiant l’esprit par une cure de désintéressement. C’est plutôt en adoptant une méthode critique qui permet de résoudre les problèmes grâce à de multiples conjectures et tentatives de réfutation, au sein d’un environnement institutionnel qui favorise ce que Karl Popper appelait la coopération amicalement hostile des citoyens de la communauté du savoir ». Si consensus il finit par y avoir, celui-ci n’est donc jamais atteint qu’à la suite d’un débat contradictoire ouvert. Ce consensus n’est pas lui-même un critère absolu de vérité, mais le constat de ce qui est, à un moment donné de l’histoire, accepté par la majorité d’une communauté comme une théorie susceptible d’être vraie. 22N’y a-t-il pas en outre quelque chose de bancal dans l’argumentation des relativistes les plus radicaux ? Car contrairement à ce qui se passe avec l’histoire – où la contestation de l’histoire officielle doit elle-même s’appuyer sur l’histoire, c’est-à -dire sur de nouvelles données historiques – les dénonciations des sciences exactes ne se basent jamais sur des arguments relevant des sciences exactes. Elles s’appuient toujours sur l’idée étonnante qu’une certaine sociologie des sciences serait mieux placée pour dire la vérité des sciences que les sciences ne le sont pour dire la vérité du monde… En somme, il faudrait se convaincre que la vérité n’existe pas, sauf lorsqu’elle sort de la bouche des sociologues des sciences qui disent qu’elle n’existe pas… 23Certes, nul n’ignore que, par exemple, des intérêts militaires ont contribué à l’essor de la physique nucléaire. Cela relève d’ailleurs de la plus parfaite évidence la périphérie de la science et son contexte social influencent son développement. Mais de là à en déduire que de tels intérêts détermineraient, à eux seuls, le contenu même des connaissances scientifiques, il y a un pas qui me semble intellectuellement infranchissable. Car si tel était le cas, on devrait pouvoir montrer que nos connaissances en physique nucléaire exprimeraient, d’une manière ou d’une autre, un intérêt militaire ou géopolitique. Or, si l’humanité décidait un jour de se débarrasser de toutes ses armes nucléaires, il est peu probable que cette décision changerait ipso facto les mécanismes de la fission de l’uranium ou du plutonium…L’efficacité de la science tiendrait-elle du miracle ?24Si l’atome et la physique quantique, pour ne prendre que ces deux exemples, n’étaient que de simples constructions sociales, il faudrait aussi expliquer par quelle succession de miracles » – oui, c’est le mot – on a pu parvenir à concevoir des lasers. Si les lasers existent et fonctionnent, n’est-ce pas l’indice qu’il y a un peu de vrai » dans les théories physiques à partir desquelles on a pu les concevoir, de vrai » avec autant de guillemets que l’on voudra et un v » aussi minuscule qu’on le souhaitera ? En définitive, le fait que les lasers fonctionnent n’est-il pas la preuve rétrospective que Planck, Einstein et les autres avaient bel et bien compris deux ou trois choses non seulement à propos d’eux-mêmes ou de leur culture, mais – osons le dire – à propos des interactions entre la lumière et la matière ? 25La sociologie des sciences a certainement raison d’insister sur l’importance du contexte dans la façon dont la science se construit. Mais faut-il tirer de ce constat, au bout du compte, des conclusions aussi relativistes que certaines des siennes ? Il est permis d’en douter. Car il serait difficile d’expliquer d’où vient que les théories physiques, telles la physique quantique ou la théorie de la relativité, marchent » si bien si elles ne disent absolument rien de vrai. Comment pourraient-elles permettre de faire des prédictions aussi merveilleusement précises si elles n’étaient pas d’assez bonnes représentations de ce qui est ce serait trop dire cependant que d’en déduire qu’elles ne peuvent dès lors qu’être vraies. En la matière, le miracle – l’heureuse coïncidence – est très peu plausible. Mieux vaut donc expliquer le succès prédictif des théories physiques nous parlons ici de celles qui n’ont jamais été démenties par l’expérience en supposant qu’elles nous parlent de la nature, et qu’elles arrivent à se référer, plus ou moins bien, à cette réalité-là . Et que, sans arguments complémentaires, nos affects, nos préjugés, nos intuitions ne sont guère en mesure de les contester sur leur terrain de jeu. 26Reste bien sûr que les sciences ne traitent vraiment bien que des questions… scientifiques. Or celles-ci ne recouvrent pas l’ensemble des questions qui se posent à nous. Du coup, l’universel que les sciences mettent au jour est, par essence, incomplet il n’aide guère à trancher les questions qui restent en dehors de leur champ. En particulier, il ne permet pas de mieux penser l’amour, la liberté, la justice, les valeurs en général, le sens qu’il convient d’accorder à nos vies. L’universel que produisent les sciences ne définit pas davantage la vie telle que nous aimerions ou devrions la vivre, ni ne renseigne sur le sens d’une existence humaine comment vivre ensemble ? Comment se tenir droit et au nom de quoi le faire ? De telles questions sont certes éclairées par la science, et même modifiées par elle – un homme qui sait que son espèce n’a pas cessé d’évoluer et que l’univers est vieux d’au moins 13,7 milliards d’années ne se pense pas de la même façon qu’un autre qui croit dur comme fer qu’il a été créé tel quel en six jours dans un univers qui n’aurait que six mille ans –, mais leur résolution ne peut se faire qu’au-delà de son horizon. Notes [*] Physicien, Directeur de recherche au CEA. [1] On trouvera une excellente analyse de ce paradoxe dans l’ouvrage de Bernard Williams, Vérité et véracité, NRF Essais, Gallimard, 2006. [2] Robert Musil, L’Homme sans qualités, traduit par Philippe Jaccottet, Seuil, vol. I, 2004, chap. XIII, p. 67-68. [3] Brian Greene, L’Univers élégant, trad. C. Laroche, Paris, Robert Laffont, 2000, p. 37. [4] Stephen Hawking, Une brève histoire du temps, trad. I. Naddeo-Souriau, Paris, Flammarion, 1989, p. 213. [5] Albert Einstein, Autoportrait, Inter-Editions, 1980, p. 86. [6] Steven Shapin et Simon Schaffer écrivent par exemple ceci En reconnaissant le caractère conventionnel et artificiel de toutes nos connaissances, nous ne pouvons faire autrement que de réaliser que c’est nous-mêmes, et non la réalité, qui sommes à l’origine de ce que nous savons » Léviathan et la pompe à air. Hobbes et Boyle entre science et politique, tr. Thierry Piélat, Paris, Éditions La Découverte, 1993, p. 344.
1 Citations de Platon, catégorie : l’art. Le beau, c’est la splendeur du vrai. Touché par l’amour, tout homme devient poète. La simplicité véritable allie la bonté à la beauté. Si on veut connaître un peuple, il faut écouter sa musique. La musique donne une âme à nos coeurs et des ailes à la pensée. La musique est un
Les citations célèbres sur la science 2 Les citations, pensées et mots de célébrités Aucune science ne profite à celui qui n'y prend goût. Fernando de Rojas ; La Célestine - XVIe siècle. De tous les biens, la science est le plus grand, parce qu'on ne peut ni l'enlever à autrui, ni l'acheter, et qu'elle est impérissable. Gustave Le Bon ; Les civilisations de l'Inde 1893 En matière de vraie science il y a autant à désapprendre qu'à apprendre. Adolphe d'Houdetot ; Dix épines pour une fleur 1853 Il en est de la science comme de la santé dont on ne connaît jamais mieux le prix que lorsqu'on en a fait un mauvais usage. Adolphe d'Houdetot ; Dix épines pour une fleur 1853 La science, quand elle est bien digérée, n'est que du bon sens et de la raison. Stanislas Leszczynski ; Le philosophe bienfaisant 1764 La mémoire est la faculté qui retient les choses, c'est l'étui de la science. Michel de Montaigne ; Les essais 1580 Que peut le soleil des sciences sur les gens du monde et du bon ton ? Produire le même effet que l'autre soleil sur les glaces du pôle, les argenter et les dorer de ses rayons, mais non les pénétrer. Jean-Paul Richter ; Les pensées et réflexions 1829 La science de quiconque ne croit savoir que ce qu'il sait se réduit à bien peu de chose. Jean-Jacques Rousseau ; Émile, ou De l'éducation 1762 La science est une lanterne sourde, qui n'éclaire que celui la porte. Louis Joseph Mabire ; Le dictionnaire de maximes 1830 La plus belle de toutes les sciences est celle de l'éducation des hommes. Victor Cousin ; Les premiers essais de philosophie 1817 Les beaux-arts sont le langage des passions, les sciences celui de la vérité. Cécile Fée ; Les maximes et pensées 1832 L'étude des sciences positives développe la passion du vrai, comme l'étude des beaux-arts développe l'enthousiasme du beau. Cécile Fée ; Les maximes et pensées 1832 L'œil est l'emblème de la science. Quand il s'ouvre, il voit d'abord tout en lui ; le progrès de la vision consiste à reculer toujours plus l'objet, à allonger le rayon de sa sphère jusqu'aux étoiles fixes, jusqu'à l'infini. La science voit d'abord tout en Dieu ; son progrès est de reculer toujours plus la cause dernière, d'étendre la région des causes secondes, d'augmenter le diamètre de la sphère divine. Henri-Frédéric Amiel ; Journal intime, le 9 mars 1851. Dans les recherches essentielles de science, d'affaires ou de vertu, l'esprit est à la raison ce qu'est le fard à la beauté il flatte au premier coup d'œil, déplaît au second, et flétrit à la longue. François-Rodolphe Weiss ; Les principes philosophiques et moraux 1785 La vraie beauté ne consiste pas à s'orner le visage, mais à enrichir son âme de science. Thalès de Milet ; Les sentences et adages et maximes - VIe s. av. On peut comparer la science à une belle lampe qui n'éclaire qu'autant que la raison s'engage à l'allumer. Jean-Napoléon Vernier ; Les fables, pensées et poésies 1865 Si un peu de science éloigne de la poésie, beaucoup de science y ramène. Victor Cherbuliez ; Miss Rovel 1875 La science est vaste, la vie humaine est bien courte. Honoré de Balzac ; La peau de chagrin 1831 La science est un cadran qui marque l'heure du progrès accompli. Emile de Girardin ; Les questions de mon temps 1836-1846 La véritable science est celle qui est cachée dans le sein, et qu'on produit au dehors quand on veut. Citation persane ; Les sentences et pensées persanes 1793 Il n'y a qu'une science à enseigner aux enfants, c'est celle des devoirs de l'homme. Jean-Jacques Rousseau ; Émile, ou De l'éducation 1762 La science, aujourd'hui, cherchera une source d'inspiration au-dessus d'elle ou périra. Simone Weil ; La pesanteur et la grâce 1940-1942 L'œuf vient-il de la poule ou la poule de l'œuf ? Voilà toute la science. Honoré de Balzac ; La peau de chagrin 1831 II en est de la science comme de la beauté, qui doit plutôt se laisser deviner que se montrer. Simon de Bignicourt ; Les pensées et réflexions philosophiques 1755 Voulez-vous apprendre les sciences avec facilité ? Commencez par apprendre votre langue. Étienne Bonnot de Condillac ; Le traité des systèmes 1749 La science ne sert guère qu'à nous donner une idée de l'étendue de notre ignorance. Félicité Robert de Lamennais ; Les pensées diverses 1854 Qui cherche la science cherche la douleur ; il y a de grandes souffrances dans une grande intelligence. Érasme ; L'éloge de la folie 1521 Le doute est le commencement de la science. Jean-Baptiste de La Roche ; Les pensées et maximes 1843 Ce n'est pas des richesses, mais de la science que dépend le bonheur. Antoine Arnauld ; La logique ou L'art de penser 1683 L'ignorance vaut mieux que cette fausse science qui fait que l'on s'imagine savoir ce qu'on ne sait pas. Antoine Arnauld ; La logique ou L'art de penser 1683 La science la plus nécessaire à la vie humaine, c'est de se connaître soi-même. Jacques-Bénigne Bossuet ; La charité fraternelle 1666 La science est comme la terre on n'en peut posséder qu'un peu. Voltaire ; Les pensées philosophiques 1862 On n'est jamais plus ignorant que par la science des choses inutiles. Jean-Jacques de Lingrée ; Les réflexions, pensées et maximes 1814 L'éducation ne donne pas la science, mais les instruments de la science. Nicolas Massias ; Le rapport de la nature à l'homme 1823 La science est le trésor de l'esprit, le discernement en est la clé. William de Britaine ; La prudence humaine 1689 Avec la science et l'amour, on fait le monde. Anatole France ; Le livre de mon ami 1885 Le philosophe donne à ses élèves sa propre science ; l'apôtre n'est que le témoin de celui qui sait tout. Adam Mickiewicz ; Les maximes et sentences 1798-1855 La science conduit au savoir ; l'opinion conduit à l'ignorance. Hippocrate ; La loi, IV - IVe s. av. La mort par maladie met la science en échec, elle a quelque chose d'absurde et d'injuste. Sacha Guitry ; Les pensées, maximes et anecdotes 1992 La science est la recherche de la connaissance exacte des phénomènes. Francis Parker Yockey ; Imperium 1948
Ladémonstration est en effet le raisonnement par lequel la vérité d’une proposition est tirée de la vérité d’une autre, sans que l’on demande de constater qu’elle correspond bel et bien à la réalité dont elle rend compte. La tradition logique donne à la proposition que l’on démontre le nom de conclusion, et à celles qui
La vraie science est une ignorance qui se sait.» – Montaigne Autres citations que vous pourriez aimer No related posts.
Citationsfrançaises la vraie science est une ignorance qui se sait : La vraie science est une ignorance qui se sait. Cherchez ici une citation ou un auteur Proverbes; Dictons; Auteurs; Thèmes; Thèmes voir tous; Toux; Plus; Tout ; Vers; Homme; Hommes; être; Voix; Sens; Amour; Jour; Jours; Amis; Gens; Comme; Auteurs voir tous Jacques Amyot 1593 à 80 ans
“Qu’est-ce que c’est que ça la philosophie” question dĂ©finitionnelle posĂ©e par Martin Heidegger invitant donc Ă la première recherche eidĂ©tique eidos idĂ©e, essence de l’annĂ©e Étymologie philo–sophie [philein-sophia] l’amour de la sagesse La sagesse c’est soit la connaissance savant, c’est la connaissance thĂ©orique ou les savoir-faire, la connaissance technique ; soit le savoir-vivre, la prudence, la sĂ©rĂ©nitĂ©, l’aspect pratique et Ă©thique le sage. L’amour c’est un sentiment, affectif, non choisi, dimension passionnĂ©e qui corrompt le jugement et ne semble pas compatible avec la sagesse. Sagesse et passion semble s’opposer. Donc l’amour signifie sans doute plutĂ´t amitiĂ© » le philosophe serait donc l’ami de la sagesse, celui qui dĂ©sire la sagesse. Or un dĂ©sir prĂ©suppose un manque on ne dĂ©sire pas ce qu’on a ou est dĂ©jĂ . Donc si le philosophe dĂ©sire la sagesse, c’est qu’il ne la possède pas dĂ©jĂ . Un savant ne peut pas ĂŞtre philosophe ; un ignorant pur et dur » non plus car non seulement il ne sait pas, mais il ne sait pas qu’il ne sait pas, donc il croit qu’il sait, et n’a pas de dĂ©sir de savoir. Le philosophe est entre le savant et l’ignorant Il tient aussi le milieu entre la sagesse et l’ignorance car aucun dieu ne philosophe ni ne dĂ©sire devenir sage, puisque la sagesse est le propre de la nature divine ; et, en gĂ©nĂ©ral, quiconque est sage ne philosophe pas. Il en est de mĂŞme des ignorants, aucun d’eux ne philosophe ni ne dĂ©sire devenir sage ; car l’ignorance a prĂ©cisĂ©ment le fâcheux effet de persuader Ă ceux qui ne sont ni beaux, ni bons, ni sages, qu’ils possèdent ces qualitĂ©s or nul ne dĂ©sire les choses dont il ne se croit point dĂ©pourvu. – Mais, Diotime, qui sont donc ceux qui philosophent, si ce ne sont ni les sages ni les ignorants ? – Il est Ă©vident, mĂŞme pour un enfant, dit-elle, que ce sont ceux qui tiennent le milieu entre les ignorants et les sages, et l’Amour est de ce nombre. La sagesse est une des plus belles choses du monde ; or l’Amour aime ce qui est beau ; en sorte qu’il faut conclure que l’Amour est amant de la sagesse, c’est-Ă -dire philosophe, et, comme tel, il tient le milieu entre le sage et l’ignorant. C’est Ă sa naissance qu’il le doit car il est le fils d’un père sage et riche et d’une mère qui n’est ni riche ni sage. Telle est, mon cher Socrate, la nature de ce dĂ©mon. » Le Banquet, Platon discours de Diotime rapportĂ© par Socrate Le philosophe est donc entre les deux, comme le souligne PLATON dans Le banquet, dialogue sur Eros, l’amour. D’oĂą le cĂ©lèbre Je sais qu’une seule chose, c’est que je ne sais rien » de SOCRATE - 469/-399, condamnĂ© Ă mort par la citĂ© d’ Athènes pour impiĂ©tĂ© et corruption de la jeunesse il a bu de la cigĂĽe, considĂ©rĂ© comme le père de la philosophie occidentale Socrate Platon Mais il ne suffit pas d’être conscient d’un manque pour avoir envie de le combler, il faut que ce manque soit vĂ©cu comme un vide et que l’on se reprĂ©sente ce vide disparu dans le futur comme un Ă©tat plus satisfaisant que l’état prĂ©sent de vide. Ce qui signifie qu’en plus de la conscience de son ignorance, le philosophe a le souci de la connaissance et de la vĂ©ritĂ©. Tout homme a ce souci, nous n’aimons pas naturellement le faux et l’illusion, mais nous avons aussi d’autres soucis le souci de survivre le souci de la vĂ©ritĂ© peut alors apparaĂ®tre comme le souci de nantis, un luxe – d’ailleurs dans l’antiquitĂ©, si certains pouvaient s’adonner Ă la politique, Ă la philosophie,… c’est parce que d’autres les esclaves s’occuper des nĂ©cessitĂ©s quotidiennes; le souci de rĂ©ussir socialement, le souci d’être heureux et parfois l’illusion est plus confortable que la connaissance de la vĂ©ritĂ©; voir ici le conte du Bon Bramin de Voltaire; Donc le philosophe placerait le souci de la vĂ©ritĂ© et de la connaissance au dessus de tous les autres. Transition ce n’est pas parce qu’on sait qu’on ne sait pas que pour autant on a envie de savoir. Donc le philosophe aurait en plus de la conscience de son ignorance le seul souci de la vĂ©ritĂ© et une prĂ©disposition Ă la chercher qui pourrait ĂŞtre la capacitĂ© Ă s’étonner ou une sorte de savoir confus que les choses ne sont pas nĂ©cessairement ce qu’elles semblent ĂŞtre, qu’il n’y a rien d’évident. Il est vrai que nous avons d’autres soucis que celui de la vĂ©ritĂ©, ce qui expliquerait que nous ne sommes pas tous philosophes. Mais nous avons semble-t-il toutes les qualitĂ©s pour le devenir, nous aussi nous nous Ă©tonnons, nous nous mĂ©fions, nous nous interrogeons, nous sommes douĂ©s de raison, ce qui fait qu’on s’oppose fatalement en plus de la question du comment, la question du pourquoi et celle du pour quoi ? Mais ce qui fait qu’on ne veut pas le devenir et par lĂ exploiter ces facultĂ©s, c’est qu’on croit l’être dĂ©jĂ ou en faire dĂ©jĂ usage puisqu’on pense. Alors serait-il possible que quand on pense on ne pense pas ? Peut-on ne pas penser? 1. “Peut-on” signifie d’abord avoir la possibilitĂ©, la capacitĂ© de.. – si par penser, on entend ” avoir une activitĂ© mentale consciente”, on ne peut pas ne pas penser. Nous pensons dès que nous sommes Ă©veillĂ© mĂ©moire, anticipation, sensation, perceptions, ĂŞtre là …. – mais si par penser, on entend ” rĂ©-flĂ©chir”, “juger”. Comme juger, c’est porter un jugement, mettre en relation des choses, des idĂ©es dans une assertion, cela prĂ©suppose des connaissances Ă©tablies, vĂ©rifiĂ©es, des concepts et un raisonnement pour pouvoir ensuite rendre son jugement. Or bien souvent, on rend un jugement sans avoir jugĂ©, on est alors dans le “prĂ©-jugé”, dans une “première flexion de l’esprit”, non dans une “rĂ©-flexion”, c’est-Ă -dire un retour rĂ©flexif sur ce qu’on pense spontanĂ©ment, sans avoir justement rĂ©flĂ©chi, jugĂ©. Du coup, on croit penser et ĂŞtre dans la pensĂ©e, alors que nous ne sommes que dans l’opinion, la “DOXA” en grec. Et dans ce cas, l’éducation, l’enseignement philosophique va consister non pas Ă transmettre un savoir et Ă conduire dans ce savoir, mais à “conduire hors de soi“ ex-ducere et de l’opinion pour entrer dans la pensĂ©e et se rapprocher de soi penser par soi-mĂŞme. C’est la situation dans l’opinion qu’illustre l’allĂ©gorie de la caverne de Platon au livre VII de la RĂ©publique texte p74. Dans cette allĂ©gorie, chaque Ă©lĂ©ment est un symbole • les chaines qui maintiennent le corps au sol, ce sont celles de notre propre corps qui peut nous tenir prisonnier de ses sensations et de la connaissance sensible via les sens; si on croit que voir, c’est savoir. Si on n’interroge pas ce que nous dit le corps, on en reste Ă une connaissance par les sens partielle, relative et parfois illusoire. Les sens nous disent comment les choses nous apparaissent non ce qu’elles sont. Si je me fie au sens, c’est le soleil qui tourne autour de la terre et la pleine lune est une sphère de 1 m de diamètre, le bâton se brise en entrant dans l’eau, les ombres sur le fonds de la caverne n’en sont pas, si je n’ai jamais rien vu d’autre.• les chaines qui font qu’on ne peut regarder ailleurs ni autrement, ce sont aussi celles de notre Ă©tat d’enfant condamnĂ©s Ă recevoir des autres nos connaissances, valeurs,…, de nos habitudes et de la vie collective. En sociĂ©tĂ©, nous sommes enchaĂ®nĂ©s les uns aux autres. Cela permet l’apparition d’une opinion commune, Ă laquelle on va adhĂ©rer par confort, par souci d’intĂ©gration, par conformisme, mais aussi par paresse, par intĂ©rĂŞt, par dĂ©sir. Tout ceci n’a pas Ă©tĂ© jugĂ©, n’est que du prĂ©-jugĂ©, un ensemble d’idĂ©es reçues avant mĂŞme d’être examinĂ©es donc sans examen ni jugement. • les chaines peuvent aussi ĂŞtre celles d’un conditionnement que reprĂ©sente dans l’allĂ©gorie le feu. Ce feu qui est Ă l’origine de l’ombre et de l’erreur pour les prisonniers, c’est un feu allumĂ© et entretenu par des hommes. Ces hommes manipulent ceux qui sont dans la caverne en leur donnant Ă voir ce qu’ils ont dĂ©cidĂ© de leur faire voir le muret empĂŞche de voir des ombres d’hommes que sont les porteurs, les prisonniers ne peuvent voir que des ombres d’objets et que des ombres d’ombres d’hommes que seraient des statuettes d’hommes par exemple on ne se porte pas les uns les autres sur les Ă©paules dans l’allĂ©gorie !. Dans le cas d’une statuette d’homme, la situation des prisonniers est mĂŞme plus grave que ce qu’on pouvait penser car les prisonniers sont Ă©loignĂ©s de deux degrĂ©s de la rĂ©alitĂ© et vĂ©ritĂ© en prenant l’ombre avec la rĂ©alitĂ©, ils confondent une ombre d’ombre la statuette Ă©tant dĂ©jĂ un double, une copie ! avec la rĂ©alitĂ©. [• les chaines sont aussi celles d’une vie collective dominĂ©e par les valeurs techniques et le paraĂ®tre. Dans l’allĂ©gorie, les prisonniers n’ont pas le souci du vrai, ils ne se battent que pour les honneurs, c’est Ă celui qui sera le plus habile, le plus rapide Ă reconnaĂ®tre les ombres, non Ă celui qui sera le plus sage, le plus savant.] Toutes ces chaĂ®nes expliquent leur ignorance ignorĂ©e, que les prisonniers croient savoir et ne savent pas, qu’ils ne sont que dans la doxa, l’opinion commune. Ils croient penser alors qu’ils ne sont que l’opinion. Ils ne s’interrogent pas, ne doutent pas, ce qui explique que seuls ils ne peuvent sortir de la caverne et de son obscuritĂ© qui symbolise le manque de clartĂ© et de distinction de ce qu’ils appellent leur pensĂ©e. D’oĂą aussi la difficultĂ© de les en sortir pour d’affronter la lumière pour remonter jusqu’au principe, le soleil, par accĂ©der Ă la claire et distincte connaissance. D’oĂą l’idĂ©e que le prisonnier doit faire seul le chemin comprendre le mĂ©canisme de l’ombre, voir la statuette, puis la rĂ©alitĂ© elle-mĂŞme un homme. Le philosophe qui est venu le libĂ©rer se contente de l’extraire par la contrainte et dans la souffrance de la caverne par ses questions, ses doutes, il fait prendre conscience que nous ne savons pas, que nous sommes dans l’opinion Mais le rapport entre la statuette et l’homme rĂ©el copie/modèle symbolise le rapport entre le monde sensible notre monde et le monde intelligible le vrai monde, le monde des idĂ©es qui est Ă©ternel et que Dieu aurait pris pour modèle pour crĂ©er le monde. Si on veut bien penser ce monde, il faut retrouver par la pensĂ©e ce monde-modèle, remonter par la pensĂ©e Ă l’idĂ©e qui est la cause des apparences dans le monde sensible. Il faut passer d’une connaissance sensible Ă une connaissance discursive et dialectique. C’est ce qu’explique l’analogie de la ligne au livre VI de La rĂ©publique de Platon. Le monde sensible Le monde intelligible Ombres et images des objets sensibles Objets fabriquĂ©s et sensibles RĂ©alitĂ©s elles-mĂŞmes ou objets hypothĂ©tiques mathĂ©matiques, originaux des choses Contemplation du soleil ou idĂ©es, principes non hypothĂ©tiques imagination/illusion Conviction/croyance/opinion PensĂ©e/science hypothĂ©tique si… alors…CONNAISSANCE RATIONNELLE DISCURSIVE discours= parcours=raisonnement Accès aux idĂ©es elles-mĂŞmes par l’intellect science dialectiqueCONNAISSANCE RATIONNELLE INTUITIVE connaissance sensible Connaissance rationnelle [ComplĂ©ment d’information la connaissance dialectique peut ĂŞtre – ascendante, anagogique l’anagogie, c’est la montĂ©e vers les IdĂ©es, on passe de l’opinion Ă la pensĂ©e, au savoir, de la philodoxie amour de la doxa Ă la philosophie. Les philodoxes sont ceux qui promènent leurs regards sur la multitude des choses belles mais n’aperçoivent pas les IdĂ©es et ne peuvent suivre celui qui les voudrait conduire Ă cette contemplation, qui voient la multitude des choses justes sans voir la justice mĂŞme, et ainsi du reste, ceux lĂ opinent sur tout mais ne connaissent rien de ce sur quoi il opinent ». L’opinion est donc irrĂ©flĂ©chie, incertaine, elle se fie aux apparences et elle y adhère sans examen critique. L’opinion peut se trouver vrai mais c’est par hasard, elle ne voit jamais les raisons qui la font vrai. – contemplante la NoĂ©sis. C’est le sommet de la dialectique ascendante, oĂą l’âme contemple in- tuitivement les IdĂ©es. Cela signifie Ă©videmment que l’esprit perçoit immĂ©diatement l’essentiel c’est l’intuition intellectuelle. – descendante la DiairĂ©sis C’est le mouvement par lequel la pensĂ©e partant des IdĂ©es revient jusqu’au monde sensible pour le dominer en y introduisant la rationalitĂ©, l’intelligible qui Ă Ă©tĂ© lĂ -haut vu. Elle organise alors, en rĂ©fĂ©rence, Ă l’IdĂ©e de bien qu’elle a vu lĂ -haut, la conduite de chaque individu et de la CitĂ©. Sans adhĂ©rer Ă la thĂ©orie des IdĂ©es de Platon, Ă son IdĂ©alisme, on doit admettre que cette allĂ©gorie explique bien la diffĂ©rence entre opinion et pensĂ©e, ignorance et savoir. Ceci dit, on peut penser que l’on peut aussi sortir seul de l’opinion texte d’Alain, penser c’est dire non » Ă soi-mĂŞme en examinant ce qu’on nous dit, ce que l’on croit et voit OU qu’il peut y avoir d’autres guides que le philosophe, comme l’artiste, la religieux ou le scientifiques. Il convient donc d’analyser ce qui les diffĂ©rencie Art Religion Science de la nature Ce qu’on recherche ici comme dans la philosophie Une rĂ©ponse au sentiment d’être Ă©tranger Ă soi dĂ©sir d’être soi, aux autres dĂ©sir de communier, Ă la nature dĂ©sir de comprendre Une rĂ©ponse au sentiment d’être Ă©tranger Ă soi, aux autres, Ă la sociĂ©tĂ© dĂ©sir d’un monde commun et plus juste et Ă la nature dĂ©sir de comprendre et maĂ®triser Une rĂ©ponse au sentiment d’être Ă©tranger Ă la nature dĂ©sir de comprendre et maĂ®triser, comme maĂ®tres et possesseurs de la nature », Descartes Points communs avec la philosophie comme prise de conscience et sortie de l’opinion L’artiste est un oculiste » Proust; pouvoir de rĂ©vĂ©lation de ce qui se dĂ©robe sous la proximitĂ© de la possession » Merleau-Ponty; l’artiste lève le voile Bergson Les religions proposent une reprĂ©sentation en rupture avec notre rapport immĂ©diat au monde par ex. condamnation ou dĂ©valuation du monde terrestre et de ses valeurs L’attitude scientifique prĂ©suppose une vĂ©ritable catharsis intellectuelle et affective » Bachelard; en science, les convictions n’ont pas droit de citĂ©, voilĂ ce qu’on dit Ă juste titre » Nietzsche CaractĂ©ristiques Moyen une Ĺ“uvre matĂ©rielle limites des mots, l’idĂ©e y apparaĂ®t de manière sensibleBut la beautĂ©, Ă©motion esthĂ©tique On touche l’esprit via les sens. Moyen un dogme rĂ©vĂ©lĂ© ou immĂ©morial extĂ©rieur Ă nous; la foi; le cĹ“ur a ses raisons que la raison ne connaĂ®t point » Pascal les vĂ©ritĂ©s de la foi sont au-delĂ des pouvoirs bien limitĂ©s de la raison But rĂ©pondre aux questions et angoisses, donner du sens, promettre un salut, organiser la vie en communautĂ© Moyen la mĂ©thode expĂ©rimentale combinant expĂ©rience observation, expĂ©rimentation et vĂ©rification et raisonnement hypothèses, dĂ©ductions…But ramener la nature Ă des lois permettant explication, prĂ©diction et action ; rationaliser notre reprĂ©sentation du monde et rendre le monde disponible »; parvenir Ă la vĂ©ritĂ© et Ă la connaissance Limites Ĺ’uvre parfois difficile Ă comprendre; difficile de dire ce qu’on a ressenti, de le verbaliser; l’œuvre ne parle »pas Ă tous, ne dit » pas Ă chacun, la mĂŞme chose; sa comprĂ©hension est relative. MultiplicitĂ© des religions, rĂ©vĂ©lation lumière divine extĂ©rieure, dogmatisme, irrationalitĂ© de la foi, de ses objets et parfois des pratiques qu’elle implique; obscurantisme foi opposĂ©e Ă la raison et la science, jeux de pouvoirs des institutions religieuses… – les sciences ne rĂ©pondent pas aux questions du pourquoi et du pour quoi , mais seulement Ă celle du comment loi des 3 Ă©tats d’Auguste Comte– les sciences entraĂ®nent une mathĂ©matisation » , un arraisonnement » de la nature et des ĂŞtres, rĂ©duits Ă du mesurable, du quantifiable, Ă des faits » – l’expĂ©rience est toujours singulière, temporelle, contingente mĂŞme si la science s’efforce de montrer qu’il y a un ordre nĂ©cessaire et ne s’arrĂŞte pas aux rĂ©sultats, cherchant les causes Philosophie la philosophie est une activitĂ© qui par des discours et des raisonnements nous procure la vie heureuse » Epicure Moyen un discours des mots, signes de conceptsBut la vĂ©ritĂ©; comprĂ©hension par la raison; on s’adresse directement Ă la raison universalitĂ© et rationalitĂ© Moyen la lumière naturelle de la raison un discours = un parcours, un raisonnement que tout homme peut Ă©laborer ou suivreBut parvenir Ă des rĂ©ponses rationnelles universelles; penser par soi-mĂŞme libertĂ© Moyen la dĂ©monstration Ă partir de principes a priori ou a posteriori, clairs et distinct, donc la conclusion est nĂ©cessaire, universelle et Ă©ternelleBut parvenir Ă rĂ©pondre rationnellement et de manière cohĂ©rente Ă toutes les questions pour trouver la vĂ©ritĂ© et du sens On peut donc emprunter diffĂ©rentes voies bien diffĂ©rentes! pour rĂ©flĂ©chir et il semble que l’on puisse bouder aussi bien les musĂ©es, les Ă©glises que les discours scientifiques ou philosohiques et qu’il y ait mĂŞme des arguments pour justifier la possibiltĂ© de ne pas emprunter la voie de la philosophie Ce choix entre rĂ©flĂ©chir / ne pas rĂ©flĂ©chir, ne pas penser est mis en scène dans le film Matrix , ici Alors a-t-on vraiment ce choix, le droit de se contenter d’être dans l’opinion? Peut-on ne pas philosopher? première approche de la mĂ©thode de dissertation I. oui, c’est possible car on ne sait pas que l’on est dans la caverne, dans l’opinion, pas de manque mĂŞme si on le sait pas nĂ©cessairement le souci du vrai, d’autres soucis on peut emprunter les autres voies art, religion, science… pour penser, se questionner et rĂ©pondre Ă nos questions on peut penser que philosopher, c’est un exercice stĂ©rile certes on se libère de l’opinion, on remet en question mais cela n’aboutit Ă rien et en plus on perd son temps, dans le sens oĂą cela dĂ©tourne d’occupation bien plus sĂ©rieuse. C’est l’argument de Calliclès personnage imaginaire dans le Gorgias de Platon Il est beau d’étudier la philosophie dans la mesure oĂą elle sert Ă l’instruction et il n’y a pas de honte pour un jeune garçon Ă philosopher ; mais, lorsqu’on continue Ă philosopher dans un âge avancĂ©, la chose devient ridicule, Socrate, et, pour ma part, j’éprouve Ă l’égard de ceux qui cultivent la philosophie un sentiment très voisin de celui que m’insÂpirent les gens qui balbutient et font les enfants. Quand je vois un petit enfant, Ă qui cela convient encore, balÂbutier et jouer, cela m’amuse et me paraĂ®t charmant, digne d’un homme libre et sĂ©ant Ă cet âge, tandis que, si j’entends un bambin causer avec nettetĂ©, cela me paraĂ®t choquant, me blesse l’oreille et j’y vois quelque chose de servile. Mais si c’est un homme fait qu’on entend ainsi balbutier et qu’on voit jouer, cela semble ridicule, indigne d’un homme, et mĂ©rite le juste le mĂŞme sentiment que j’éprouve Ă l’égard de ceux qui s’adonnent Ă la philosophie. J’aime la philoÂsophie chez un adolescent, cela me paraĂ®t sĂ©ant et dĂ©note Ă mes yeux un homme libre. Celui qui la nĂ©glige me paraĂ®t au contraire avoir une âme basse, qui ne se croira jamais capable d’une action belle et gĂ©nĂ©reuse. Mais quand je vois un homme dĂ©jĂ vieux qui philosophe encore et ne renonce pas Ă cette Ă©tude, je tiens, Socrate, qu’il mĂ©rite le fouet. Comme je le disais tout Ă l’heure, un tel homme, si parfaitement douĂ© qu’il soit, se condamne Ă n’être plus un homme, en fuyant le cĹ“ur de la citĂ© et les assemblĂ©es oĂą, comme dit le poète , les hommes se distinguent, et passant toute sa vie dans la retraite Ă chuchoter dans un coin avec trois ou quatre jeunes garçons, sans que jamais il sorte de sa bouche aucun discours libre, grand et gĂ©nĂ©Âreux. » […]En ce moment mĂŞme, si l’on t’arrĂŞtait, toi ou tout autre de tes pareils, et si l’on te traĂ®nait en prison, en t’accusant d’un crime que tu n’aurais pas commis, tu sais bien que tu serais fort embarrassĂ© de ta personne, que tu perdrais la tĂŞte et resterais bouche bĂ©e sans savoir que dire, et que, lorsque tu serais montĂ© au tribunal, quelque vil et mĂ©prisable que fĂ»t ton accusateur, tu serais mis Ă mort, s’il lui plaisait de rĂ©clamer cette peine. Or qu’y a t il de sage, Socrate, dans un art qui prenant un homme bien douĂ© le rend pire », impuissant Ă se dĂ©fendre et Ă sauver des plus grands dangers, soit lui-mĂŞme, soit tout autre, qui l’expose Ă ĂŞtre dĂ©pouillĂ© de tous ses biens par ses ennemis et Ă vivre absolument sans honneur dans sa patrie ? Un tel homme, si l’on peut user de cette expression un peu rude, on a le droit de le souffleter impu moi donc, mon bon ami, renonce Ă tes arguties, cultive la belle science des affaires, exerce toi Ă ce qui te donnera la rĂ©putation d’un habile homme ; laisse Ă d’autres ces gentillesses », de quelque nom, radotages ou niaiseries, qu’il faille les appeler, qui te rĂ©duiront Ă habiter une maison vide. Prends pour modèle non pas des gens qui ergotent sur ces bagatelles, mais ceux qui ont du bien, de la rĂ©putation et mille autres avantages. » Gorgias, Platon Le cas de Socrate semble confirmer cela condamnĂ© Ă mort en 399 pour impiĂ©tĂ© et corruption de la jeunesse. c’est un exercice sans consĂ©quence, mĂŞme si les philosophes vantent les suites de la vĂ©ritĂ© » comme Epicure qui prĂ©tend que la philosophie rend heureux, la dĂ©sillusion, la luciditĂ© peut ĂŞtre douloureuse, notre bonheur ne dĂ©pend pas que de nous, et il y a d’autres moyens plus sĂ»rs de l’amĂ©liorer les applications techniques de la science santĂ©, exploitation de la nature, allĂ©gement du travail, tĂ©lĂ©communications,… ou le divertissement par l’art ou la consolation par la religion. La philosophie dĂ©tourne de l’action, paralyse d’oĂą l’idĂ©e de Descartes d’une morale provisoire pour rĂ©pondre Ă l’urgence de l’action, en attendant une morale appuyĂ©e sur des fondements rationnels, clairs et distincts Ă dĂ©couvrir. II. mais on n’ en a pas le droit, car 1. la pilule bleue n’existe pas on ne peut pas faire comme si on ne savait pas, 2. on ne peut pas vouloir le mal en sachant que c’est mal or selon Hannah Arendt ne pas penser entraĂ®ne une “extraordinaire superficialité” qui peut conduire Ă faire le mal cas Eichmann 3. avoir le choix prĂ©suppose la libertĂ©, or il peut apparaĂ®tre que nous n’ayons pas la libertĂ© de renoncer Ă notre humanitĂ© qui pour les philosophes consistent dans la pensĂ©e Pascal “roseau pensant”, Descartes”la puissance de bien juger est la seule chose qui nous rend hommee et nous distingue de la nature”, … 4. diffĂ©rence entre utilitaire et utile; agrĂ©able et bon. On peut ici faire rĂ©fĂ©rence Ă la dĂ©finition de l’Utile propre de Spinoza dans L’éthique 4, PROPOSITION XX Plus chacun s’efforce et plus il est capable de chercher ce qui lui est utile, c’est-Ă -dire de conserver son ĂŞtre, plus il a de vertu ; au contraire, en tant qu’il nĂ©glige de conserver ce qui lui est utile, c’est-Ă -dire son ĂŞtre, il marque son impuissance. » Donc ce qui est utile, c’est ce qui est en accord avec notre nature. J’aurais voulu premièrement y expliquer ce que c’est que la philosophie, en commençant par les choses les plus vulgaires, comme sont que ce mot de philosophie signifie l’étude de la sagesse, et que par la sagesse on n’entend pas seulement la prudence dans les affaires, mais une parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir tant pour la conduite de sa vie que pour la conservation de sa santĂ© et l’invention de tous les arts ; et qu’afin que cette connaissance soit telle, il est nĂ©cessaire qu’elle soit dĂ©duite des premières causes, en sorte que pour Ă©tudier Ă l’acquĂ©rir, ce qui se nomme proprement philosopher, il faut commencer par la recherche de ces premières causes, c’est-Ă -dire des principes; et que ces principes doivent avoir deux conditions l’une, qu’ils soient si clairs et si Ă©vidents que l’esprit humain ne puisse douter de leur vĂ©ritĂ©, lorsqu’il s’applique avec attention Ă les considĂ©rer; l’autre, que ce soit d’eux que dĂ©pende la connaissance des autres choses, en sorte qu’ils puissent ĂŞtre connus sans elles, mais non pas rĂ©ciproquement elles sans eux; et qu’après cela il faut tâcher de dĂ©duire tellement de ces principes la connaissance des choses qui en dĂ©pendent, qu’il n’y ait rien dans la suite des dĂ©ductions qu’on en fait qui ne soit très manifeste. … J’aurais ensuite fait considĂ©rer l’utilitĂ© de cette philosophie, et montrĂ© que, puisqu’elle s’étend Ă tout ce que l’esprit humain peut savoir, on doit croire que c’est elle seule qui nous distingue des plus sauvages et barbares, et que chaque nation est d’autant plus civilisĂ©e et polie que les hommes y philosophent mieux; et ainsi que c’est le plus grand bien qui puisse ĂŞtre dans un État que d’avoir de vrais philosophes. Et outre cela que, pour chaque homme en particulier, il n’est pas seulement utile de vivre avec ceux qui s’appliquent Ă cette Ă©tude, mais qu’il est incomparablement meilleur de s’y appliquer soi-mĂŞme; comme sans doute il vaut beaucoup mieux se servir de ses propres yeux pour se conduire, et jouir par mĂŞme moyen de la beautĂ© des couleurs et de la lumière, que non pas de les avoir fermĂ©s et suivre la conduite d’un autre; mais ce dernier est encore meilleur que les tenir fermĂ©s et n’avoir que soi pour se conduire. Or, c’est proprement les veux fermĂ©s sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher; et le plaisir de voir toutes les choses que notre vue dĂ©couvre n’est point comparable Ă la satisfaction que donne la connaissance celles qu’on trouve par la philosophie; et, enfin, cette Ă©tude est plus nĂ©cessaire pour rĂ©gler nos mĹ“urs et nous conduire en cette vie, que n’est l’usage de nos yeux pour guider nos pas. Les bĂŞtes brutes, qui n’ont que leur corps Ă conserver, s’occupent continuellement Ă chercher de quoi le nourrir; mais les hommes, dont la principale partie est l’esprit, devraient employer leurs principaux soins Ă la recherche de la sagesse, qui en est la vraie nourriture.. » Principes de la philosophie, Descartes, 1644 Nous nous dĂ©finissons humainement par ce superflu qui, selon la formule connue, est plus nĂ©cessaire que le nĂ©cessaire, et qui n’est autre chose que l’esprit. Non que l’on ne puisse vivre sans penser, mais par dĂ©finition mĂŞme, une telle vie est, humainement parlant, dĂ©nuĂ©e de sens. Car c’est l’esprit qui, chez l’homme, donne un sens Ă la vie. La vie n’a de sens que pour l’homme spirituel qui est en chacun de nous, mais souvent en sommeil. Et la dignitĂ© de l’homme consiste en cela seul qu’il peut concevoir qu’une certaine dignitĂ© est de son essence. Par quoi l’homme est tout autre chose qu’un animal il est un animal conscient de transcender l’animalitĂ©; il est un animal mĂ©taphysique». Initiation Ă la philosophie, Marcel Deschoux
Lascience qui étudie ce phénomène se nomme l’agnotologie. Elle était l’objet d'une table ronde, aux c’est que c’est vrai. « Robert Faurisson a
Introduction Nous allons étudier dans le cadre de notre définition de la philosophie, les modèles de réflexion philosophique, nous nous concentrerons sur les modèles proposés par Platon, comme l’étonnement, Descartes, comme le doute et par Socrate, l’ironie et la dialectique permettant le passage de l’ignorance qui s’ignore à la l’ignorance qui se sait ignorante, nous avons ainsi l’illustration du passage du pseudo savoir au savoir. Les meilleurs professeurs de Philosophie disponibles4,9 17 avis 1er cours offert !5 152 avis 1er cours offert !5 77 avis 1er cours offert !5 63 avis 1er cours offert !5 24 avis 1er cours offert !5 15 avis 1er cours offert !5 14 avis 1er cours offert !5 20 avis 1er cours offert !4,9 17 avis 1er cours offert !5 152 avis 1er cours offert !5 77 avis 1er cours offert !5 63 avis 1er cours offert !5 24 avis 1er cours offert !5 15 avis 1er cours offert !5 14 avis 1er cours offert !5 20 avis 1er cours offert !C'est partiLes modèles de la réflexion philosophique Nous entendons par réflexion, le retour de l’esprit sur lui-même, c’est le fait pour la pensée de revenir sur elle-même, dans ce cas de figure, nous avons à faire à une conscience réflexive, un degré supplémentaire à la conscience spontanée. La réflexion philosophique admet des modèles et des points de départ. Nous savons que le point de départ de la philosophie platonicienne est l’étonnement, il faut savoir s’étonner pour s’ouvrir aux choses. C’est le cas pour l’ensemble de ses dialogues, ses trente deux écrits, tous aporétiques, c’est-à -dire, n’ayant pas de conclusion, ils se terminent en fait par une question qui s’ouvre sur un nouveau dialogue. La philosophie devient un véritable questionnement. Il met en scène un certain nombre d'interlocuteurs en face de Socrate. Ainsi, une question apporte des éléments de réponse qui soulèvent à leur tour d'autres questions. Chaque affirmation d'un interlocuteur donne lieu grâce à l'interrogation socratique, à une autre interrogation. Socrate pose l'ironie comme point de départ philosophique; Il est l'incarnation de l'humilité philosophique au sens où il affirme, je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien». L'attitude des interlocuteurs qui croient savoir s'oppose à celle d'un Socrate qui avoue qu'il sait qu'il ne sait pas. Nous sommes ainsi confronté à un Socrate qui nous enseigne que l’ignorance s’ignore et qui par le biais de la dialectique, nous fait passer d’une ignorance qui s’ignore à un ignorance qui se sait. Nous pouvons citer comme autre modèle le doute cartésien qui est exposé dans les méditations. Nous savons que le doute est le point de départ de la réflexion philosophique qui nous amène au cogito ergo sum, il est à la base d'une longue réflexion et a pour caractéristiques d'être tant méthodique hyperbolique. Son ignorance est une ignorance qui se sait, qui se connait. Elle entre en contradiction avec l'ignorance qui s'ignore de ses interlocuteurs; Nous sommes ici en présence d'un pseudo savoir, d'un faux savoir. Ce cheminement socratique de la pensée est rendu possible grâce à la dialectique; nous entendons par dialectique, la confrontation de deux thèses opposées, une thèse et une antithèse. Ainsi que nous l'affirme Platon dans son dialogue intitulé Le Théétète. Socrate est comme sa mère qui était sage-femme, il accouche les esprits en les aidant à mettre au jour les contradictions qu'ils portent en eux-mêmes. Il fait accoucher les esprits de leur pseudo savoir. La méthode socratique la dialectique L'ironie L'ironie reflète l'aptitude de celui qui interroge en feignant l'ignorance afin de faire en sorte que l'interrogé se remette en question. Nous avons en premier lieu, La maïeutique qui se définit par l'art d'accoucher les esprits du vide dont ils sont pleins. Il s'agit de montrer le vide de celui qui croyait savoir. Il faut pour cela souligner les contradictions de celui qui croit savoir et qui ignore son ignorance. Socrate accouche les esprits comme sa mère, sage femme accouchait les corps. L'élenctique, terme scolastique qui signifie, réfutatio, réfutation. Il faut à ce niveau second, montrer les contradictions dans l'art cathartique, technique libératrice de la pseudo connaissance. L'anatreptique, cette dernière étape correspond au renversement opéré par le respect des trois étapes de la méthode, tout se ramène en fait à la maïeutique Découvrez comment trouver un philo cours. La valeur de la méthode La méthode socratique permet de passer du vrai au faux, nous sommes renvoyés à la nécessité de passer du sensible à l’intelligible qui était le souci premier de Platon ainsi que le suggère le mythe de la caverne ». Il s’agit pour l’homme de saisir l’idée en soi des choses, c’est-à -dire l’essence. Il nous faut sortir du monde empirique et celui des opinions pour un monde philosophique d’idées.
Toutescience crĂ©e une nouvelle ignorance. Henri Michaux La science progresse en indiquant l'immensitĂ© de l'ignorĂ©. Louis Pauwels Il y a moins de l'ignorance Ă la Science que de la fausse science Ă
Que préférez-vous ? Vivre en ne sachant pas ou vivre en ayant des réponses qui pourraient être fausses ? Pléthore de théories, ou de modèles, sont "vraux" - vrai jusqu’au moment où ils deviennent faux. Est-ce problématique ? Après tout la science est basée, au départ, sur l’ignorance. Pourtant, comme le déclarait le mathématicien et philosophe Bertrand Russell "Ce que les hommes veulent en fait, ce n’est pas la connaissance, c’est la certitude." Et comme le souligne le scientifique Christophe Galfard "La science n’est pas de la politique et la nature se fiche pas mal de mes opinions, ou de celles de n’importe qui d’autre, d’ailleurs." "L’ennui dans ce monde, c’est que les idiots sont sûrs d’eux et les gens sensés pleins de doutes," Bertrand Russell "Vous voyez, une chose est que je peux vivre avec le doute et l’incertitude, et ne pas savoir. Je pense qu’il est beaucoup plus intéressant de vivre ne sachant pas que d’avoir des réponses qui pourraient être fausses," explique le scientifique Richard Phillips Feynman, avant de rajouter "J’ai des réponses approximatives, et des croyances possibles et des degrés différents de certitude sur différentes choses, mais je ne suis absolument sûr de rien et il y a beaucoup de choses dont je ne connais rien, comme par exemple si cela signifie quelque chose de demander pourquoi nous sommes ici, et ce que la question pourrait signifier. Je pourrais y réfléchir un peu et si je ne peux pas répondre, alors je passe à autre chose, mais je n’ai pas à avoir une réponse, je ne me sens pas effrayé en ne sachant pas, en étant perdu dans un univers mystérieux sans avoir d’objet, ce qui est le cas pour ce que je peux en dire. Cela ne me fait pas peur." Une théorie est censée faire avancer la science plutôt qu'à la définir pour l’éternité / "Les hommes naissent ignorants et non stupides. C'est l'éducation qui les rend stupides," Bertrand Russell "La science moderne repose sur le constat latin ignoramus, “nous ne savons pas”. Elle postule que nous ne savons pas tout," explique Yuval Noah Harari dans son livre Sapiens, avant de renchérir "De manière encore plus critique, elle accepte que ce que nous croyons savoir pourrait bien se révéler faux avec l’acquisition de nouvelles connaissances. Il n’est pas de théorie, d’idée ou de concept sacré qu’on ne puisse remettre en question ... La Révolution scientifique a été non pas une révolution du savoir, mais avant tout une révolution de l’ignorance. La grande découverte qui l’a lancée a été que les hommes ne connaissant pas les réponses à leurs questions les plus importantes." De la faillibilité de nos sens Pour Christophe Galfard, "nos sens sont nos fenêtres sur le monde, mais ce ne sont que de minuscules hublots donnant sur une immense mer qui nous est inconnue ... Nos sens sont adaptés à notre échelle, à notre taille, à notre survie. Ils nous permettent de voir, de sentir, de toucher, de goûter notre environnement, ce monde, cette réalité dans laquelle nous vivons. Mais cette réalité à laquelle nos sens ont accès n'est pas l'ensemble de ce qui existe." Article rédigé par McGulfin / Fabien Salliou Se connecter ou s'inscrire pour poster un commentaire
Labonté n'est pas ignorance, c'est un savoir qui sait retrouver en chaque homme les énergies positives qu'il semblait avoir perdues. - Une citation de Roland Poupon. Citation Célèbre. Citations et proverbes › Citations d'internautes › Roland Poupon › La bonté n'est pas ignorance, c'est un savoir qui sait Pensée de Roland Poupon sur Homme. Une citation
Résumé Texte Notes Citation Auteur Résumés Dans ses œuvres morales L’Expulsion de la bête triomphante, La Cabale du cheval pégaséen, Giordano Bruno se livre à une confrontation très approfondie avec la théologie luthérienne et augustinienne. Plus spécifiquement, G. Bruno remet en question la notion d’ordre, en opposant au Dieu transcendant et personnel de la tradition chrétienne la divinité immanente et productrice de toutes les choses dans l’univers infini. Il parvient ainsi à la formulation d’une anthropologie problématique », selon laquelle l’homme n’occupe qu’une place périphérique et excentrée dans l’ordre infini des choses. Par là même, la philosophie de Bruno se présente comme une entreprise théorique dont la collocation épochale se situe en même temps entre les frontières de la Renaissance et du Baroque. In his moral works Expulsion of the Triumphant Beast, The Caballa of the Pegasean Horse, Giordano Bruno grapples very thoroughly with the Lutheran and Augustinian theologies. More specifically, he questions the notion of order by pitting agains the personal, transcendent God of the Christian tradition an immanent divinity that generates all things in an infinite universe. He thus propounds a problematical » anthropology according to which man only occupies a marginal and off-centre place in the infinite order of things. Bruno’s philosophy therefore presents itself as a theoretical project appertaining both to the Renaissance and the Baroque de page Texte intégral 1 Cf. Hans Blumenberg, La Légitimité des temps modernes, Paris, Gallimard, 1999, pp. 543-545. 1Dans un ouvrage désormais classique et à maints égards magistral, La légitimité des temps modernes, Hans Blumenberg affirme que Giordano Bruno et Nicolas de Cuse, "ne font pas époque, aucun n’est fondateur d’une époque. Et cependant tous deux se distinguent par la relation qu’ils ont face au seuil d’une époque. La spécificité de leurs systèmes est fondée sur la façon dont ils sont ordonnés au seuil d’époque. La différence la plus significative entre les deux manières de se rapporter au seuil d’une époque se trouve dans les positions de deux métaphysiciens spéculatifs face aux questions liées à la réforme copernicienne. Ce qu’il y a de précopernicien chez Nicolas de Cuse, dans la mesure où ce n’est pas encore moderne, est tout aussi spécifique de son système de pensée que l’est, chez Bruno, ce qu’il y a de postcopernicien, dans la mesure où il ne s’agit pas là d’un assentiment pur et simple à une théorie astronomique, mais de la volonté de l’élever au rang de fil directeur de la métaphysique cosmologique et anthropologique. Tous deux, le Cusain comme le Nolain, ont leurs arrière pensées inexprimées. Ce qui les distingue, ce n’est pas le degré d’inexprimé mais le degré d’indicible, ou plus précisément encore le lien qu’ils entretiennent avec la possibilité de "mettre quelque chose en langage". Que, pour l’un, ait encore été possible ce qui devait devenir irréalisable pour l’autre – la conciliation des opposés comme principe du monde, représentée par le salut dans l’incarnation, ce n’était pas là une affaire de différence de foi ou de capacité à assumer le destin, c’était la différence entre ce qui était encore historiquement possible et ce qui ne l’était plus"1. 2Selon H. Blumenberg, ce qui est désormais indicible chez Bruno est la puissance transcendante d’un Dieu se révélant dans le monde. Blumenberg appelle cela la prise en compte de l’autoépuisement de la puissance infinie de Dieu dans l’univers infini. La puissance infinie de Dieu ne demeure pas une possibilité, en partie inexprimée et toujours exprimable par une libre décision du créateur — elle s’est complètement et totalement affirmée dans l’univers infini. Ce qui entraîne deux conséquences l’impossibilité de la christologie — de l’Incarnation de la puissance divine à un moment donné de l’histoire du monde — et une anthropologie problématique, c’est-à -dire la difficulté, intrinsèque à la conception de l’autoépuisement de la puissance divine dans l’univers infini, de fournir une définition cohérente et stable de la nature humaine. 3Je voudrais ici m’interroger sur ce que H. Blumenberg appelle la possibilité de "mettre quelque chose en langage" de la part d’un philosophe, autrement dit je voudrais mettre en évidence le degré d’indicibilité qui caractérise la pensée de G. Bruno. Je voudrais ainsi essayer de comprendre ce que la langue philosophique de Bruno ne peut plus "dire" à partir précisément du seuil d’époque constitué par la réforme copernicienne. C’est en effet dans cet "indicible", et non pas dans cet "inexprimable", qui se trouve probablement la collocation épochale de Bruno et par là même la possibilité de déterminer la signification des catégories de "Baroque" et de "Renaissance". 2 Cf. Michele Ciliberto, La ruota del tempo. Interpretazione di Giordano Bruno, Rome, Editori Riuniti ... 3 Cf. à ce sujet, Alfonso Ingegno, La sommersa nave della religione. Studio sulla polemica anticristi ... 4Dans ce contexte, il est sans doute intéressant d’analyser la problématisation brunienne de l’anthropologie par rapport à une question précise, renvoyant à la notion théologique d’ordre. L’analyse de cette notion permet de comprendre le rapport que la philosophie de Bruno entretient avec une certaine théologie spéculative, en particulier celle de saint Augustin. Pour illustrer cette problématique, il convient de se rapporter aux œuvres morales de Bruno et plus spécifiquement à la Cabale du cheval pégaséeen. C’est en effet dans cet ouvrage que Bruno se livre à une confrontation approfondie avec la pensée de saint Augustin2. La Cabale est publiée à Londres en 1585, un an après l’Expulsion de la bête triomphante, et elle fait partie des œuvres "italiennes" du philosophe. Dans l’Expulsion de la bête triomphante et dans la Cabale du cheval pégaséen, G. Bruno se propose de définir les principes d’une réforme philosophique et morale de grande envergure, permettant à l’humanité de s’émanciper de la religion chrétienne, et notamment de la religion chrétienne dans sa forme extrême et "décadente" le protestantisme de Calvin et de Luther. Bruno tente dans ces deux œuvres de répondre à ce qu’il considère comme une condition de crise profonde affectant l’Europe de la fin du XVIe siècle une crise religieuse, philosophique, politique, économique et sociale. C’est dire que Bruno cherche d’abord à élucider les causes des guerres de religions3. 4 Cf. M. A. Granada, Giordano Bruno. Universo infinito, unión con Dios, perfección del hombre, Barcel ... 5Dans l’Expulsion de la bête triomphante, Bruno met en lumière les causes de cette crise qui affecte l’Europe de son temps la cause première, et sans doute la plus importante, réside dans la destruction, opérée par le Christianisme, du lien entre la Nature et la divinité. Avec la victoire de la religion chrétienne, Dieu s’est éloigné de la nature. C’est-à -dire que la religion chrétienne est la religion de la séparation et en même temps de la soumission de la Nature au pouvoir transcendant d’un Dieu créateur. En termes philosophiques, la "puissance absolue" de Dieu soumet la nature en vertu de sa "puissance ordonnée", et cette soumission légitime le retrait de Dieu de la nature. La nature est ainsi privée de la vie divine, et elle devient par conséquent une réalité complètement inanimée. Aux yeux de Bruno, cette séparation entre Dieu et la nature est davantage aggravée par la médiation christique ; le Christ représente en effet la légitimation définitive de cette séparation. La nature constitue ainsi la seule et unique médiation entre Dieu et les hommes4. 5 Cf. Michele Ciliberto, Giordano Bruno, Rome-Bari, Laterza, 1992. 6Cette rupture entre la nature et la divinité est accentuée par les protestants, notamment avec la théorie luthérienne de la grâce. Cette théorie représente en effet pour Bruno le triomphe de l’inactivité, le refus de s’engager dans la connaissance naturelle et dans la pratique éthico-politique. Pour surmonter la crise et pour expulser la "bête triomphante" de la culture européenne, il s’agit d’instituer une nouvelle religion naturelle, calquée sur le modèle de la religion naturelle des égyptiens. La vraie religion est la religion naturelle, la religion philosophique qui permet de créer, à partir du lien originaire entre Dieu et la nature, de nouveaux liens de civilisation et de progrès entre les hommes. Il s’agit en définitive de la "religion naturelle" de l’effort et de l’activité — de la vertu machiavélienne. Le modèle de la vertu machiavélienne trouve ainsi sa légitimité dans la religion naturelle comme condition de possibilité de la religion civile, la seule en mesure de réformer et de remplacer la fausse reforme des réformés5. 6 Giordano Bruno, La Cabale du cheval pégaséen, in Œuvres complètes, t. VI, Paris, Les Belles Lettres ... 7 Bruno, OC, VI, p. 60. 7Dans la Cabale, Bruno approfondit davantage ces problématiques, mais selon une perspective qui à première vue renverse tous les solutions exposées dans l’Expulsion. Dans le Premier Dialogue de l’œuvre, Bruno reconnaît la valeur de l’ignorance et de l’asinité, c’est-à -dire de la passivité et de l’oisiveté. Il affirme en effet que "savoir, c’est ignorer"6, et que la vraie sagesse consiste dans la découverte de la vérité par l’ignorance. C’est dire que dans ce premier dialogue, Bruno reprend la thèse célèbre de la docte ignorance formulée par Nicolas de Cuse. C’est dans cette optique cusanienne que Bruno fait l’éloge de l’ignorance comme non-savoir indispensable à la saisie, partielle et limité, de la vérité divine. Le savoir humain de la divinité ne peut être qu’ignorance. C’est pourquoi selon Bruno l’asinité possède un caractère céleste ou cabalistique il faut en effet que les hommes imitent et deviennent comme les ânes qui, pour les cabalistes, sont les symboles de la sagesse divine. En s’appuyant notamment sur le De occulta philosophia d’Agrippa, Bruno affirme que "si l’âne est bien le symbole de la sagesse dans les Sefirot divins, c’est parce que celui qui veut pénétrer les secrets et les refuges cachés de cette sagesse doit nécessairement faire métier d’être sobre et patient, avoir museau, tête et dos d’âne"7. 8 Ibid., p. 74-76. 9 Ibid., p. 82. 8Dans cette perspective, Bruno énumère les genres possibles d’ignorance ou d’asinité. Il existe par exemple l’ignorance des théologiens mystiques celle de Denys l’Aréopagite, celle des sceptiques pyrrhoniens ou encore celle des théologiens chrétiens, "parmi lesquels l’homme de Tarse l’a d’autant plus magnifiée qu’elle passe par une très grande folie auprès de tout le monde"8. C’est précisément dans le cadre de l’analyse de l’asinité théologique chrétienne que Bruno cite saint Augustin. "Le savant Augustin, tout enivré par ce divin nectar, témoigne dans ses Soliloques que l’ignorance, plutôt que la science, nous conduit à Dieu, et que la science, plutôt que l’ignorance, fait notre perte. Pour figurer cela, il veut que le rédempteur du monde soit entrée dans Jérusalem grâce aux jambes et aux pieds des ânes, signifiant par anagogie dans la cité militante ce qui doit s’avérer dans la cité triomphante"9. 9À la fin du premier dialogue, Augustin représente aux yeux de Bruno le modèle théologique incarnant parfaitement la docte ignorance, celui pour lequel "il ne saurait y avoir au monde de meilleure contemplation que celle qui nie toute science". En ce sens, la morale augustinienne, fondée sur le refus de la curiositas et sur l’acceptation de la part de l’homme de son ignorance essentielle devant l’immensité divine, désigne la pratique la mieux adaptée pour parvenir au salut et à l’obtention de la grâce. Pour accéder au royaume des cieux, il faut que les hommes deviennent des ânes — c’est-à -dire des ignorants. Ce n’est qu’en imitant l’âne cabalistique que les hommes peuvent parvenir au salut et gagner ainsi l’immortalité. Bruno entend par là souligner le fait que la connaissance humaine de la divinité n’est jamais totale — elle est toujours "compliquée" par l’ignorance, par l’ombre et la similitude, par le jeu complexe des conjectures. 10Dans le Deuxième dialogue de la Cabale, Bruno change visiblement de problématique, sans pour autant délaisser la référence à l’asinité. Bruno y décrit en effet les vicissitudes d’un âne volant ou cheval pégaséen au nom d’Onorio — c’est-à -dire d’un âne céleste, qui passe à travers différentes réincarnations, dont celle d’un âne concret, d’un philosophe sceptique et même d’Aristote. Bruno se sert ici du mythe pythagoricien de la métempsycose comme modèle fictif et littéraire pour illustrer son propos. Que montre le cycle des différentes réincarnations du cheval pégaséen ? En d’autres termes que découvre l’âne Onorio au fil des différents passages sur terre en tant que bête âne concret et homme ? 10 Ibid, p. 92-94. Qu’à partir de la même matière corporelle se font tous les corps et de la même substance spirituelle se font tous les esprits. [Par conséquent] que l’âme de l’homme n’est pas différente en substance de celle des bêtes. L’âme de l’homme est semblable par son essence spécifique et générique à celle des mouches, des huîtres marines, des plantes et de tout ce qui est animé ou a une âme comme il n’est pas de corps qui, avec plus ou moins de vivacité et de perfection, n’ait communication d’esprit en lui-même. Or cet esprit, par destin, providence, ordre ou fortune, vient à se joindre tantôt à une espèce de corps, tantôt à une autre ; et, en fonction de la diversité des complexions et des membres, il vient à acquérir différents degrés et perfections de l’esprit et d’opérations. De là résulte que cet esprit, ou cette âme, qui était dans l’araignée et y avait une certaine industrie, ces griffes et ces membres en tel nombre, quantité et forme, ce même esprit, une fois atteinte la génération humaine, acquiert une autre intelligence, d’autres instruments, aptitudes et 11 Ibid., VI, p. 96. Sur la même problématique, cf. ibidem, p. 26. 11Voilà le premier enseignement de l’âne céleste dans l’ordre productif de la nature, les hommes ne possèdent aucune supériorité intellectuelle sur les bêtes. L’âme appartient en effet à toutes les espèces vivantes, car tous les êtres vivants sont dotés d’intellect. Bruno affirme même "qu’il est possible que beaucoup d’animaux puissent avoir plus d’esprit et un intellect bien plus éclairés que l’homme"11. L’homme appartient ainsi à l’ordre de la nature, tant du point de la substance spirituelle que de la substance corporelle. De ce point de vue, il ne constitue pas une exception ontologique. Selon Bruno, en effet, si l’homme, avec son esprit, pouvait se métamorphoser en serpent, il deviendrait serpent à tous les effets. 12Qu’est-ce qui constitue par conséquent la spécificité de la nature humaine ? 12 Ibid., p. 96-98. Pour te persuader que c’est la vérité, considère les choses d’un peu plus près et imagine par toi-même ce qu’il arriverait si l’homme avait deux fois plus d’esprit, si l’intellect agent brillait en lui beaucoup plus clairement qu’il ne brille et si, de surcroît, ses mains se trouvaient transformées en deux pieds, tout le reste demeurant dans son intégrité ordinaire ; dis-moi où pourrait subsister la relation entre les hommes ? Où seraient les institutions de doctrine, les inventions de discipline, les congrégations des citoyens, les structures des édifices et tant d’autres choses qui sont les signes de la grandeur et de l’excellence humaines et qui font de l’homme le triomphateur véritablement invaincu des autres espèces ? Tout cela, à y regarder de près, ne renvoie pas tant à ce qu’il dicte l’esprit qu’à ce que dicte la main, organes des organes12. 13 Voir Arisote, De Anima, III, 8, 432 a 1, Paris, GF Flammarion, 1993, p. 239 "L’âme ressemble à la ... 13Bruno réinterprète ici la célèbre définition aristotélicienne de la main comme organe des organes13 à la lumière d’une problématique qui le conduit à la définition de ce qu’on pourrait appeler une "anthropologie organique ». Quels sont les caractères d’une telle anthropologie ? 14 Cf. Nicola Badaloni, Giordano Bruno. Tra cosmologia e etica, Bari-Rome, De Donato, 1988. 14D’abord, c’est le fait que l’homme ne possède aucune supériorité intellectuelle et aucune dignité morale dans l’ordre naturel des choses. Ce n’est pas l’âme ou les âmes qui façonnent la nature humaine. Cette nature est en réalité déterminée par un organe spécifique, par la main, car c’est la conformation organique du corps qui désigne l’appartenance à une espèce vivante. Comment l’homme, cette "nature" dotée d’une main, peut-il acquérir une dignité morale dans l’ordre de la nature, comment peut-il devenir le triomphateur véritablement invaincu des autres espèces ? À travers la connaissance naturelle et la pratique, c’est-à -dire en construisant des liens de civilisation. C’est par la constitution de ces liens complexes que l’esprit de l’homme acquiert sa spécificité, c’est donc par l’usage de l’organe de la main que l’esprit de l’homme peut réellement se développer. La nature humaine parvient ainsi à la possession de sa puissance — cognitive et pratique — à partir de l’usage de l’organe qui désigne son appartenance spécifique à l’ordre naturel des êtres. Cela signifie que la perfection de cette nature se fonde sur les processus d’interaction perpétuels entre l’activité humaine et son milieu — c’est-à -dire ce qu’il résulte de sa pratique. Bruno ne reconnaît à l’homme aucune dignité naturelle, mais, en même temps, c’est précisément en vertu de cette désubstantialisation de la nature humaine qu’il légitime sa dignité morale à partir de l’effort cognitif et de l’activité14. 15 Bruno, OC, VI, p. 112. 15Quels sont les autres enseignements qu’Onorio a tirés de ses voyages et des réincarnations sur la terre. Qu’est-ce que le cheval pégaséen a appris lorsqu’il est incarné en Aristote ou en philosophe sceptique ? Il a appris que ces philosophes et ces philosophies ont détruit la philosophie naturelle — la vraie connaissance des métamorphoses naturelles. Bruno considère ainsi Aristote comme étant le principal responsable de la fin de la philosophie naturelle. Voici en effet ce qu’affirme l’âne Onorio incarné en Aristote "C’est à cause de moi que la science naturelle et divine s’est éteinte, tout en bas de la roue, alors qu’elle avait connu son apogée au temps des Chaldéens et des pythagoriciens"15. 16Ce qui est encore plus grave aux yeux de Bruno est le fait que les hommes ont accepté ces philosophies d’une manière complètement passive et sans les remettre en question. Les hommes, nourris d’aristotélisme et de scepticisme, sont devenus réellement des bêtes, des ânes à part entière ; ils renoncent à connaître et ils ne désirent plus connaître, car ils estiment que toute forme de savoir est désormais impossible. Ainsi leur science présumée n’est qu’ignorance de la nature, c’est-à -dire ignorance du cycle infini de la métamorphose des êtres, de l’ordre éternel de la vicissitude. 16 Voir A. Ingegno, "L’Expulsion de la bête triomphante. Une mythologie moderne", in Mondes, formes et ... 17La Cabale du cheval pégaséen s’achève précisément sur cette problématique, résumée par A. Ingegno en ces termes "Comment réaliser la coïncidence entre une ignorance qui se reconnaît comme savoir suprême et un savoir qui finit par se révéler comme une pure et simple ignorance" ?16. Autrement dit comment connaître la nature suivant les principes de la philosophie naturelle ou de la docte ignorance ? 17 Voir Ingegno, "L’Expulsion de bête triomphante. Une mythologie moderne", op. cit., p. 83. 18La réponse se trouve dans l’appendice à la Cabale, dans un texte très court, très crypté et très cryptique, intitulé L’âne cillénique ou l’âne de Mercure. L’âne de Mercure est celui qui conjugue la science et l’ignorance, celui qui sait que la divinité est dans les choses mais qu’elle ne sera jamais connue en raison de son infinité. Mais comment fait-il pour posséder cette docte ignorance ? Réponse parce qu’il est à la fois homme et bête, parce qu’il est un âne avec des mains. L’âne de Mercure est l’homme qui sait et qui n’oublie pas qu’il aussi animal, et c’est en vertu de cette connaissance et de cette mémoire qu’il peut connaître et trouver la divinité dans les choses. L’"homme-âne" ne prétend pas abandonner l’ordre naturel des choses, parce qu’il sait qu’il appartient nécessairement à cet ordre. En effet, "l’âne de Mercure possède les attributs de l’animal et de l’homme, en conservant ce que les hommes ont d’humain sans rien perdre de ce qu’ils ont d’animal"17. 19Ce n’est donc qu’à la fin que le sens de tout l’ouvrage s’éclaire. Pourquoi Bruno s’oppose-t-il au Christianisme ? Parce que le Christianisme a brisé le lien entre la nature et la divinité, en brisant également le lien entre l’ignorance et la vérité, donc entre l’homme et l’animal. Le christianisme a progressivement convaincu les hommes qu’ils ne sont que des ânes ce qui est vrai mais il les a aussi persuadés à rester des ânes en les empêchant de devenir des hommes. La religion chrétienne a rendu non seulement les hommes oisifs et incapables d’agir, mais elle les aussi transformés en des ânes concrets, c’est-à -dire qu’elle les a rendu complètement et réellement ignorants. Les hommes sont devenus des "bêtes" dont le seul organe qui fonctionne est l’oreille, nécessaire pour écouter les ordres d’un Dieu ineffable, qu’ils ne pourront d’ailleurs jamais comprendre. En ce sens, l’âne chrétien ne sait pas "lier" la connaissance des choses naturelles à la pratique, à l’activité finalisée au bien public et au développement de la civilisation. 18 Bruno, OC, VI, p. 34. 20En effet, "ce sont les sots de ce monde qui ont fondé la religion, les cérémonies, la loi, la foi et la règle de vie. Les plus grands ânes du monde ceux qui, privés de tout autre sentiment et de toute doctrine, dépourvus de toute vie sociale et de toute coutume civile, pourrissent dans l’éternelle pédanterie sont ceux qui, par la grâce du ciel, réforment la foi souillée et corrompue [...] ; ce ne sont pas ceux qui, plein d’une curiosité impie, vont ou allèrent jamais poursuivre les arcanes de la nature et calculer les vicissitudes des étoiles"18. 19 Ibid., p. 38. 21Non seulement la religion chrétienne a été fondée par des sots et par des ânes, mais ceux qui prétendent aujourd’hui la réformer sont doublement sots et ignorants. Ce qui est de toute manière clair pour Bruno est le fait que les fondateurs de la religion chrétienne sont "les pauvres d’esprit, les petits enfants, ceux dont les discours sont puérils ; ceux qui, par mépris du monde, ont banni tout soin du corps et de la chair qui entoure leur âme, cette chair dont ils se sont dépouillés, qu’ils ont piétinée et jetée à terre, pour faire passer plus glorieusement et triomphalement l’ânesse de son cher ânon"19. 22C’est précisément dans le cadre de cette problématique que Bruno s’oppose à saint Augustin. En effet, Augustin représente pour Bruno le modèle de l’asinité chrétienne. Pourquoi Augustin représente-t-il ce modèle ? Parce qu’Augustin et Bruno élaborent deux conceptions différentes de l’ordre naturel en conférant par là même un sens et un statut différents à la puissance humaine et aux formes multiples de son affirmation. 20 Cf. Saint Augustin, Les Confessions, livre X ; sur la différence entre "amour d’usage" et "amour de ... 23Pour Augustin, l’ordre de la création se déploie en effet selon la logique de la hiérarchie qui va du créateur suprême jusqu’aux plus petites créatures en passant par l’homme. Dans cette hiérarchie, l’homme occupe une place privilégiée il est au-dessus de toutes les autres créatures et au-dessous de son créateur. Il ne peut donc agir que dans les marges de cette nécessité ordonnée. C’est là le fondement de la morale augustinienne, synthétisée par la dialectique entre l’amour de jouissance et l’amour d’usage. L’équilibre entre ces deux amours ouvre la possibilité de la morale augustinienne, comme morale de la liberté et du choix ultime entre le bien et le mal, appartenant toujours à l’homme. On sait que cet équilibre, à lui seul, ne suffit pas pour parvenir au salut – la grâce étant la condition ultime pour la réalisation de cette possibilité20. 24Chez Bruno, en revanche, on retrouve trois types d’ordre 21 Cf. L. Salza, Métamorphose de la physis. Giordano Bruno infinité des mondes, vicissitude des chos ... l’ordre nécessaire de production naturelle, qui s’explique comme nécessité de la vicissitude des choses. La nature s’exprime comme matière et comme pensée, mais tandis que la pensée demeure toujours la même intellect agent universel, la matière s’individualise en des corps, et c’est cette individuation corporelle, définie par la spécificité des organes, qui permet de différencier les espèces vivantes. Cette individuation organique est le résultat de métamorphose, de l’ordre nécessaire et éternel des vicissitudes naturelles. L’homme est le produit de cet ordre. Il s’agit d’un point crucial en reprenant la philosophie naturelle de Lucrèce, Bruno développe une ontologie de l’appartenance des êtres finis au même ordre des choses, mais cette appartenance n’implique nullement une uniformité et une indistinction ; il ne s’agit pas d’un ordre uniforme mais d’un ordre multiforme — celui de la métamorphose21. L’ordre des espèces naturelles, qui dépend de la conformation des organes. L’homme ne possède aucune destinée préfixée dans cet ordre des espèces ; il peut en revanche s’en construire une par la pratique, c’est-à -dire par l’usage de l’organe, la main, qui définit son principe d’individuation. Dans l’ordre d’appartenance à la métamorphose, il existe des points d’individuation qui sont déterminés par les spécifications de la matière, par la formation des organes. C’est le cycle infini de la métamorphose qui produit les organes, donc les individus. Bruno développe une véritable anthropologie de l’organe en effet, du point de vue de l’esprit, l’homme est égal à une huître ou à un serpent. C’est sans doute ici que réside le noyau véritable de la pensée antichrétienne de Bruno. À la lumière de ces présupposés, il est évident que l’opposition entre Bruno et Augustin concerne en particulier la définition d’une anthropologie fondamentale pour Bruno, la notion de nature humaine n’est jamais prédéterminée, elle n’appartient pas à un ordre hiérarchique — car l’ordre naturel de production des êtres n’est aucunement hiérarchique. 22 Cette thématique était déjà au centre de l’Expulsion de la bête triomphante. L’ordre mondain qui peut dériver de l’utilisation de ces configurations corporelles ; il s’agit de l’ordre de la morale. Or il est clair que c’est la détermination de la place, de la fonction et de la finalité de la nature humaine dans l’ordre naturel des choses qui permet de trouver les principes de la morale. Que se passe-t-il en effet lorsque une âme s’incarne en un homme ? C’est-à -dire que l’homme doit-il faire avec son corps, avec l’individuation corporelle que l’ordre de la métamorphose naturelle lui a octroyé ? Il se trouve face à deux possibilités ou rester dans l’ignorance, rester un âne, comme les chrétiens, les aristotéliciens et les sceptiques ou bien développer toutes les potentialités inhérentes à sa nature et à son corps, comme l’âne de Mercure. On retrouve ici la thématique de l’Expulsion même dans l’ordre nécessaire de la vicissitude universelle des choses, l’homme peut construire un ordre humain22. 25Mais il s’agit d’une possibilité et non pas d’une nécessité inscrite dans l’essence de la nature humaine. La preuve en est que les animaux sont probablement meilleurs que les hommes du point de vue de l’intelligence naturelle. Ce que nous avons en plus par rapport aux animaux n’est rien d’autre que la conformation de notre corps – la possibilité d’utiliser la main. C’est donc par la pratique et par la connaissance que nous pouvons constituer un ordre humain et définir ainsi les principes d’une morale conforme à notre propre puissance organique. 26Ainsi, la morale de Bruno présuppose nécessairement son anthropologie organique mais elle préfigure également les stratégies de son dépassement culturel le corps que nous sommes peut nous permettre de construire et d’inventer des formes de vie pouvant excéder l’ordre nécessaire de la nature. C’est là que réside la possibilité, toujours incertaine, de déterminer les formes de la liberté humaine. La morale brunienne est la morale qui réunit la vérité et l’ignorance, la connaissance et l’asinité. Il s’agit de la morale de la docte ignorance. 27C’est dans cette optique que Bruno interprète quatre épisodes de la Bible d’une manière totalement contraire à l’herméneutique chrétienne et en l’occurrence augustinienne. 23 Bruno, OC, VI, p. 40. Le Paradis terrestre est une condition d’ignorance et d’asinité et non pas de perfection anthropologique23. Il ne s’agit donc pas pour les hommes de retrouver la condition du Paradis terrestre mais au contraire de s’en éloigner le plus possible, l’état d’innocence naturelle étant le véritable état d’ignorance de l’humanité. Or c’est précisément cet état d’innocence que les protestants prétendent restaurer — en invoquant un rapport direct entre le créateur et la créature. 24 Ibid., OC, VI, p. 80. 25 Ibid., OC, VI, p. 32. Le geste d’Adam volant le fruit défendu de l’arbre de la science est un acte de courage, comparable à celui de Prométhée24. Pour Bruno, en effet, l’orgueil est la véritable passion de la connaissance "l’orgueil, qui s’enhardit à lever la tête vers le ciel, a été bel et bien déraciné car Dieu a élu les choses sans force pour confondre les choses du monde"25. L’orgueil n’est donc pas le péché qui nous éloigne de Dieu mais la première vertu nous permettant de retrouver Dieu dans les choses. En ce sens, le péché originel ne peut pas exister, car ce péché présuppose précisément un ordre supérieur auquel l’homme est destiné par nature. En revanche, pour Augustin, nous n’avons pas le droit de rester à l’état animal, parce que notre nature appartient à un ordre supérieur. Mais nous devons nous émanciper de cette condition sans orgueil, c’est-à -dire en restant humble, en faisant preuve d’humilité devant le créateur. Le savoir humain ne peut jamais prétendre remplacer la sagesse éternelle de Dieu. Une telle morale est pour Bruno celle de l’asinité et de l’oisiveté. C’est la morale de l’ignorance sans le savoir. C’est dire que pour Bruno la morale ne peut pas faire l’économie de la curiositas, autrement dit de ce que Augustin considère comme étant le véritable péché d’orgueil. Mais il y a plus. En effet, a contrario, ce sont les augustiniens qui font véritablement preuve d’orgueil car ils prétendent, par humilité, autonomiser l’homme de l’ordre naturel des choses. Le véritable péché d’orgueil consiste pour Bruno à croire que l’homme est la créature privilégiée de Dieu – la plus proche de la divinité, alors que l’homme ne jouit d’aucun statut et d’aucune dignité métaphysique au sein de l’ordre naturel. Cette dignité ne peut être que le résultat, partiel et incertain, de son effort culturel. 26 Ibid., OC, VI, p. 80. La tour de Babel, c’est-à -dire la multiplicité des langages, est la preuve de la vitalité des connaissances et du désir de vérité des hommes. La richesse culturelle réside dans la multiplicité des langages, qui peuvent être créés et composés d’une manière absolument libre. "Nous sommes libres d’appeler les choses comme il nous plaît et de limiter à notre guise les définitions et le sens des mots, comme l’a fait Averroès"26. Selon Bruno, toute tentative de réduire les connaissances humaines à l’unité, à un seul principe d’ordre, relève de la pure et simple ignorance. La nature humaine doit constamment se confronter à son animalité, à la nature qui désigne son appartenance à l’ordre des choses – même à l’animalité qui pourrait le conduire à sa perte. C’est pourquoi l’homme peut et doit devenir serpent. L’esprit de l’homme est en effet égal à celui du serpent. Ce qui différencie l’homme du serpent est la constitution de son corps ; mais si l’homme ne se fait pas serpent, il ne peut pas connaître sa spécificité. C’est cédant à la tentation du contraire que l’homme découvre ce qu’il est et ce qu’il peut devenir. En termes littéraires, l’homme doit "pactiser" avec le diable pour parvenir à sa véritable "humanité". 27 Cf. Fulvio Papi, Antropologia e civiltà nel pensiero di Giordano Bruno, Florence, La Nouva Italia, ... 28Ainsi, pour G. Bruno, à la différence de saint Augustin, la divinité n’est pas "donnée" à l’homme, mais elle doit être "construite" par l’homme, par son activité, sa connaissance et sa "curiositas". La signification la plus profonde de la morale brunienne réside précisément dans la construction permanente de la divinité à partir de la civilisation et de la culture que l’"animal-homme » produit en raison de sa conformation corporelle. L’animal homme n’existe pas en dehors d’un projet culturel et d’un contexte de civilisation fondé sur sa nature organique. La possession de la main fait de l’homme un animal pouvant" excéder l’ordre naturel pour construire un ordre culturel. Voilà pourquoi la construction de la divinité de la part de l’homme est une construction "civilisationnelle" enracinée dans un principe d’individuation naturelle et organique. Cette construction de la divinité correspond ainsi à l’effort visant à l’appréhension de la perfection de la nature humaine. La perfection de la nature humaine n’est possible qu’à partir des pratiques, des institutions, des lois et des coutumes qui forment la civilisation "humaine"27. 28 Cf. A. Ingegno, Cosmologia e filosofia nel pensiero di Giordano Bruno, Florence, La Nouva Italia, 1 ... 29À la lumière de ces considérations, il apparaît que ce qui est devenu indicible pour la langue philosophique de Bruno est la signification éminemment théologique de la notion d’ordre — symbolisée par les concepts de transcendance divine, de hiérarchie cosmique et de dignité substantielle de la nature humaine. Cela ne signifie pas pour autant que Bruno "sécularise" la notion d’ordre. Il opère plutôt une mise en retrait de la théologie spéculative du domaine philosophique désormais circonscrit par la réforme copernicienne. Pour Bruno, le sens théologique de la notion d’ordre est devenu indicible, car il s’agit d’une "parole philosophique" qui ne dit plus rien d’affirmatif et qui n’appartient plus à sa langue philosophique. En revanche, cette notion acquiert un autre sens, celui qui découle de la réforme copernicienne c’est celui de la métamorphose des êtres finis dans l’univers infini. Par son travail spéculatif, Bruno opère ainsi une transformation philosophique de la notion théologique d’ordre28. 29 Cf. Tristan Dagron, Unité de l’être et dialectique Giordano Bruno, Paris, Vrin, 1999. 30De ce point de vue, Bruno n’est plus un penseur humaniste de la Renaissance la notion d’ordre ne renvoie pas à un soubassement exclusivement théologique comme chez Marsile Ficin, Pic de la Mirandole ou Luther. Elle dit désormais "autre chose". Mais en même temps, Bruno attribue un sens nouveau à cette notion dans le contexte d’une tradition culturelle propre à la Renaissance, celle qui fait référence à la pensée magique d’Agrippa, au lullisme, à l’averroïsme de l’école de Padoue, au néoplatonisme florentin. En ce sens, Bruno est encore un philosophe de la Renaissance. Sa langue philosophique nomme une réalité nouvelle avec des mots anciens. À cet égard, le rapport de Bruno avec le néoplatonisme est exemplaire29. 30 Pour une interprétation plus "scientiste" de la pensée de G. Bruno, cf. H. Gatti, Giordano Bruno an ... 31Peut-on dès lors affirmer que Bruno est déjà un philosophe baroque ? Oui, en partie, parce qu’il utilise des concepts de métamorphose, de mouvement, de variation de transformation pour penser l’ordre naturel des choses. Mais pas tout à fait, parce que le seuil indépassable de la réforme copernicienne ne représente pas encore la condition nécessaire pour la formulation d’une théorie scientifique fondée sur les mathématiques, comme chez Descartes30. 32Il existe ainsi chez Bruno un double indicible quant à la notion d’ordre par rapport à la théologie d’origine augustinienne et par rapport à la science moderne, c’est-à -dire par rapport aux principes transcendants fondant la métaphysique et par rapport aux développements mathématiques de la réforme copernicienne. Ce que la langue philosophique de G. Bruno ne peut plus dire est la transcendance éminente et hiérarchique de l’ordre divin, de l’ordre mondain et de l’ordre humain ; et ce qu’elle ne peut pas encore entièrement "dire" est la signification moderne de cette notion, telle qu’elle se trouve par exemple chez Descartes. 33On sait en effet que Descartes fait de la notion d’ordre le soubassement de sa philosophie. L’ordre des raisons aboutit à la découverte de l’idée de Dieu en tant qu’idée première, comme seule et unique garantie de l’ordre du monde chez Descartes, c’est justement la théologie qui légitime l’arbre de la connaissance, c’est-à -dire la fondation véritable de la réforme copernicienne et galiléenne. Descartes, après Bruno, introduit à nouveau dans le champ philosophique la notion augustinienne d’ordre, dans un sens théologique et moral ; il suffit à cet égard de penser à la troisième maxime de la morale par provision. 31 Voir à ce propos Jean-Pierre Cavaillé, Descartes. La fable du monde, Paris, Vrin, 1992. 34Descartes est ainsi, de ce point de vue, un philosophe baroque, car il est obligé de faire appel à la théologie pour justifier sa conception scientifique et mécanique du monde. Descartes reconnaît la nécessité d’inclure l’ordre théologique dans la constitution de son système à rationalité forte, mais à la différence de Bruno, il ne fait plus référence à la tradition magique et hermétique pour illustrer les caractères saisissants de cet ordre. Voilà pourquoi Descartes n’est plus un philosophe de la Renaissance et il est, en partie, un philosophe baroque. Mais Descartes n’est pas non plus un philosophe baroque dans le même sens que Bruno, car on ne retrouve pas chez lui une réflexion radicale sur la métamorphose, la variation, la mutation et le multiforme. Dans cette optique, Descartes n’est pas non plus un auteur baroque au même sens que Bathasar Gracián ou Góngora31. 35En définitive, comment peut-on appliquer les catégories épochales de Baroque et de Renaissance à un philosophe sui generis comme Bruno ? D’une manière extrêmement précise et contextualisée. Ces catégories sont utiles quand elles sont employées de manière dynamique et ouverte, quand elles permettent de faire fonctionner des dispositifs — comme celui de la signification d’une notion théologique par exemple — nécessaires pour expliciter les enjeux traversant les différents questionnements qui définissent la spécificité d’un auteur. Elles sont utiles quand elles sont employées au pluriel. Elles permettent ainsi de nous faire comprendre qu’il existe des auteurs qui se situent, en même temps, au-delà et en deçà d’un seuil d’époque — c’est-à -dire des auteurs qui travaillent avec des matériaux hétérogènes transitant et passant d’une époque à l’autre. Certains auteurs et c’est le cas de G. Bruno peuvent partager des problématiques communes avec des auteurs d’une autre époque et fournir néanmoins des réponses différentes de ceux-ci ; au même titre, ils peuvent formuler des solutions semblables à des problèmes différents. 32 Voir Michel Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966 1992, pp. 49-58. 36Ces catégories permettent de comprendre qu’il n’y a ni fixité ni rigidité dans les notions philosophiques — mais qu’il n’y a pas non plus de confusion, d’opacité ou d’imprécision. Lorsque nous parlons de "Baroque" ou de "Renaissance", nous n’avons pas affaire à un espace clos, à une "couche uniforme" ou à un "texte unique" selon la définition célèbre de la Renaissance proposée par M. Foucault dans Les mots et les choses32 mais à des frontières poreuses et perméables, à une surface composée d’aspérités, habitée par des points de tensions, traversée par des courbes à géométrie variable ; autrement dit, nous sommes confrontés à un ensemble de composantes singulières et différenciées que chaque auteur plie et transforme selon ses propres exigences conceptuelles. C’est ainsi que, dans les variations multiples de cette surface âpre et spongieuse, la langue philosophique d’un auteur véhicule ses problématiques et formule ses solutions. Haut de page Notes 1 Cf. Hans Blumenberg, La Légitimité des temps modernes, Paris, Gallimard, 1999, pp. 543-545. 2 Cf. Michele Ciliberto, La ruota del tempo. Interpretazione di Giordano Bruno, Rome, Editori Riuniti, 1986. 3 Cf. à ce sujet, Alfonso Ingegno, La sommersa nave della religione. Studio sulla polemica anticristiana del Bruno, Naples, Bibliopolis, 1985 et aussi Regia Pazzia. Bruno lettore di Calvino, Urbino, Quattroventi, 1987. 4 Cf. M. A. Granada, Giordano Bruno. Universo infinito, unión con Dios, perfección del hombre, Barcelone, Herder, 2002. 5 Cf. Michele Ciliberto, Giordano Bruno, Rome-Bari, Laterza, 1992. 6 Giordano Bruno, La Cabale du cheval pégaséen, in Œuvres complètes, t. VI, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 70 Dorénavant nous citerons OC, II, suivi du numéro de page. 7 Bruno, OC, VI, p. 60. 8 Ibid., p. 74-76. 9 Ibid., p. 82. 10 Ibid, p. 92-94. 11 Ibid., VI, p. 96. Sur la même problématique, cf. ibidem, p. 26. 12 Ibid., p. 96-98. 13 Voir Arisote, De Anima, III, 8, 432 a 1, Paris, GF Flammarion, 1993, p. 239 "L’âme ressemble à la main. La main, en effet, constitue un instrument d’instruments et l’intelligence, de son côté, une forme de formes, ainsi que le sens une forme des sensibles". 14 Cf. Nicola Badaloni, Giordano Bruno. Tra cosmologia e etica, Bari-Rome, De Donato, 1988. 15 Bruno, OC, VI, p. 112. 16 Voir A. Ingegno, "L’Expulsion de la bête triomphante. Une mythologie moderne", in Mondes, formes et société selon Giordano Bruno, textes réunis par T. Dagron et H. Vedrine, Paris, Vrin, 2003, p. 80. 17 Voir Ingegno, "L’Expulsion de bête triomphante. Une mythologie moderne", op. cit., p. 83. 18 Bruno, OC, VI, p. 34. 19 Ibid., p. 38. 20 Cf. Saint Augustin, Les Confessions, livre X ; sur la différence entre "amour d’usage" et "amour de jouissance", cf. De Doctrina christiana, en particulier livre I. 21 Cf. L. Salza, Métamorphose de la physis. Giordano Bruno infinité des mondes, vicissitude des choses, sagesse héroïque, Paris-Naples, Vrin – La Città del Sole, 2005. 22 Cette thématique était déjà au centre de l’Expulsion de la bête triomphante. 23 Bruno, OC, VI, p. 40. 24 Ibid., OC, VI, p. 80. 25 Ibid., OC, VI, p. 32. 26 Ibid., OC, VI, p. 80. 27 Cf. Fulvio Papi, Antropologia e civiltà nel pensiero di Giordano Bruno, Florence, La Nouva Italia, 1968. 28 Cf. A. Ingegno, Cosmologia e filosofia nel pensiero di Giordano Bruno, Florence, La Nouva Italia, 1978. 29 Cf. Tristan Dagron, Unité de l’être et dialectique Giordano Bruno, Paris, Vrin, 1999. 30 Pour une interprétation plus "scientiste" de la pensée de G. Bruno, cf. H. Gatti, Giordano Bruno and Renaissance Science, London, Cornell University Press, 1999. 31 Voir à ce propos Jean-Pierre Cavaillé, Descartes. La fable du monde, Paris, Vrin, 1992. 32 Voir Michel Foucault, Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966 1992, pp. de page Pour citer cet article Référence électronique Saverio Ansaldi, La double nature de l’ordre. Giordano Bruno et saint Augustin à propos de la Cabale du cheval pégaséen », Études Épistémè [En ligne], 9 2006, mis en ligne le 01 avril 2006, consulté le 27 août 2022. URL ; DOI de page Auteur Saverio AnsaldiSaverio Ansaldi est maître de conférences en philosophie à l’Université de Montpellier III – Paul Valéry. Il a publié La tentative schellingienne. Un système de la liberté est-il possible ? L’Harmattan, 1993 ; Spinoza et le baroque. Infini, désir, multitude Kimé, 2001. Il a également coordonné l’édition française des écrits de Carl Gebhardt, Spinoza. Judaïsme et baroque Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2000.Haut de page
yOkq. hk11r4vl0r.pages.dev/66hk11r4vl0r.pages.dev/389hk11r4vl0r.pages.dev/78hk11r4vl0r.pages.dev/179hk11r4vl0r.pages.dev/329hk11r4vl0r.pages.dev/165hk11r4vl0r.pages.dev/58hk11r4vl0r.pages.dev/244hk11r4vl0r.pages.dev/354
la vraie science est une ignorance qui se sait